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La totalité des Intermezzi de Brahms réunis sous les doigts d’Evgeni Koroliov

a choisi de regrouper tous les Intermezzi de Brahms, extrayant ainsi dix-neuf pièces de six opus différents, de l'Intermezzo opus 10 n° 3 à l'opus 119. Une démarche intéressante mais qui, au finale, nous interroge.

Les intermezzi sont, comme leur nom l'indique, des intermèdes, des morceaux qui en relient d'autres au sein d'un même cycle. Chez Brahms, l'une de leur fonction est d'équilibrer les tensions et les éclats des capriccios. Ce sont des pages pour la plupart aux teintes pastel et de plus en plus introspectives au fur et à mesure que le compositeur avance en âge. Leur violence expressive est contenue, leur langage s'épure alors que leur complexité harmonique ne cesse d'évoluer.

les interprète de telle sorte qu'il reconstitue un immense cycle, à la manière d'un voyage schubertien. Au fil des pièces, nous entrons plus en avant dans l'univers de la confidence, du soliloque. C'est déjà l'automne de la vie. Koroliov joue d'une même voix, d'un toucher magnifiquement perlé et chaleureux. En maître du son et de l'emploi de la pédale, il modère les tempi et travaille sur les harmoniques des notes longues. Assurément, cet interprète si savant de la musique française et tout particulièrement de Debussy, attire les derniers opus vers l'impressionnisme. Le charme du dernier Brahms encore romantique est déjà avant-gardiste.

Dans cette approche, jaillissent des ombres fantomatiques et parfois une marche funèbre à peine esquissée. Et quand renaissent durant quelques mesures, elles le sont un peu durement comme au début de l'opus 118. Les quelques envolées lyriques, simulacres de révoltes, réminiscences des ballades et des concertos, ont perdu un peu de leur élan, à l'instar du Grazioso et giocoso de l'opus 119. Le voici bien sévère. En effet, cette pièce qui concentre une sève extraordinaire devrait s'achever de manière abrupte et presque ironique. Dans ce seul exemple, l'interprète nous semble concentrer toute son attention sur l'équilibre des plans sonores. De fait, il place en arrière-plan la construction narrative de chaque pièce, qu'il a voulu présenter, hors de la continuité de son cycle. De page en page, se reproduit alors le même canevas. Était-il si judicieux que cela de réunir tous les Intermezzi ?

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