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Daniele Gatti et Sol Gabetta devant la fastueuse Staatskapelle Dresden

Invité pour le deuxième programme de la saison, accompagne  dans le Concerto n° 1 de Saint-Saëns, avec la magnificence de la , d'une incroyable puissance ensuite pour la Symphonie n° 5 de Mahler.


La perte de l'Orchestre royal du Concertgebouw n'a en rien altéré la prise d'orchestre et la concentration de lorsqu'il est face à l'une des plus belles formations du monde. Sa prestation avec l'ensemble saxon en 2015 avait marqué à Dresde puis Salzbourg lors d'une Symphonie n° 10 de Chostakovitch, et c'est aujourd'hui pour un programme Saint-Saëns et Mahler qu'il retrouve à la Semperoper une Staatskapelle Dresden dont il parvient à faire ressortir les sonorités les plus denses et les plus étincelantes.

Son approche de la musique française dérangeait parfois à Paris par son manque de légèreté, mais on ne peut qu'être attiré pour ce premier des trois concerts du même programme de septembre, joué en matinée le dimanche, devant la concentration donnée aux cordes dès l'accord introductif, puis par la qualité de l'accompagnement ensuite, notamment dans les thèmes les plus amples. À cela s'accorde le violoncelle de , pour une interprétation nettement moins vivace que d'autres de l'œuvre, déjà entendue sous ses mains depuis plus d'une décennie. Elle a gagné en rondeur ce qu'elle ne recherche plus en dynamique, et dès les phrases liminaires de l'Allegro non troppo transparait la splendeur de l'exposé autour du premier thème, porté par le chaleureux Goffriller de 1730. Le même calme est étalé pendant l'Allegretto con moto, avec un magnifique échange entre l'instrument soliste et les bois, à commencer par le premier hautbois. Tous sont aussi remarquables dans les moments plus nerveux du finale, duquel ressort toutefois surtout la partie plus lente et le long thème mélancolique superbement porté par Gabetta. En bis, deux cornistes rejoignent le groupe pour préparer l'orchestre et le chef à accompagner la soliste dans l'Élégie de Fauré. Le geste large de l'archet n'offre jamais d'excès de rubato, et c'est avec une véritable émotivité que la violoncelliste traite la courte pièce.


En seconde partie, rentre en scène devant une formation étoffée pour la Symphonie n° 5 de , apparue pour la première fois dans cette ville dès 1905, soit quelques mois seulement après sa création à Cologne. L'introduction met en avant le puissant trompette solo, aussi marquant à la coda du mouvement, avant un fracas du tutti qui rappelle les interprétations sans concession des chefs du passé, à commencer par Solti. Les cors et trombones démontrent déjà toute leur puissance en même temps que leurs couleurs profondes si typiques de cet orchestre, impression renforcée par l'apparence lugubre des cordes pendant toute la marche funèbre. La densité de la phalange fascine pendant toute l'œuvre, bien séparée par Gatti non par ses cinq mouvements, mais beaucoup plus légitimement par ses trois parties. Son côté sombre pour ne pas dire cataclysmique y est renforcé par la pression exercée lors des accords massifs, impressionnants par leur extrême compacité, en rien altérée jusqu'aux derniers instants.

L'entrée des contrebasses et des cuivres puis de la petite harmonie – superbes hautbois – affichent une violence frénétique pour débuter le Stürmisch bewegt, ensuite allégé par le thème ample des premiers violons, rehaussé par la stature du soutien des bassons. Comme dans toute la symphonie, Gatti y raconte une histoire. Il ne s'occupe jamais de mettre en avant un instrument ou un groupe pour briller ou faire briller l'orchestre, mais se sert de sa magnificence pour développer le drame raconté par Mahler, avec un incroyable jeu de nuances et d'équilibres, comme ce splendide pianissimo des cordes graves après le premier développement, en forme d'accalmie avant la relance d'un long crescendo développé par strate jusqu'à son paroxysme. Aussi construit, le Scherzo calme les esprits par plus d'affabilité, et si certains cors pourraient encore gagner en netteté, le premier d'entre eux impressionne par l'excellence de chacun de ses soli, notamment dans une partie médiane où il s'accorde à maintenir le climat particulièrement mélancolique recherché par le chef. Le célèbre Adagietto ne dérive pas de l'arche globale mais développe au contraire une vision ténébreuse, pour autant jamais appuyé dans le pathos. Les nappes de cordes fascinent encore, bien mises en reflet par les harpes. Puis le Rondo Finale s'enchaîne directement, puisqu'il intègre comme le mouvement précédent la Troisième Partie de la symphonie. Là encore, la Staatskapelle Dresden reste dans des teintes obscures, avec une certaine aigreur même au bois, et garde également sa superbe concentration, jusqu'à un dernier accord violent qui libère l'audience et ses applaudissements nourris.

Crédits photographiques : © Markenfotografie

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