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Le raffinement et la tendresse dans les Mélodies de Chopin

L'Institut de Varsovie publie les mélodies du compositeur dans une interprétation d' et de , qui permet de réévaluer ce corpus méconnu.

Curieusement, n'a jamais osé écrire un opéra, et ce, malgré les encouragements d'Adam Mickiewicz, le plus grand poète polonais de l'époque. Aujourd'hui, Chopin est donc associé presque exclusivement à la musique pour piano, et beaucoup de mélomanes oublient qu'il élabora également un bouquet de mélodies, entre 1827 et 1847. Sachant que la période de composition de ces miniatures s'échelonne sur une vingtaine d'années et que le numéro d'opus « 74 » ne leur a été attribué qu'après la mort de Chopin par Julian Fontana, l'un de ses copistes, elles varient dans leur style, aussi en fonction du caractère des paroles et de leur destination. La plupart d'entre elles furent inscrites par Chopin dans les journaux intimes des dames qu'il chérissait ou pour lesquelles il éprouvait une affection cordiale : Emilia Elsner (fille de Józef Elsner, son maître), Maria Wodzińska et Delfina Potocka. Si quelques-uns de ces chants sont façonnés dans le climat de sérénité idyllique (comme Gdzie lubi de 1829-1830), d'autres révèlent l'engagement patriotique de Chopin, plus fort encore à la suite de la guerre polono-russe de 1830-1831 (perceptible, par exemple, dans Śpiew z mogiły de 1836).

Les interprétations fournies ici, pour la première fois au disque, sont entièrement appréciables. Et l'Institut de Varsovie a raison de diversifier le programme de cette parution par le mélange de deux gravures différentes, de sorte que les mélodies exécutées par la voix féminine s'entrelacent (à une exception près) avec celles données par la voix masculine. Le fait que ces enregistrements ne proviennent pas de la même période ne s'entend pas, même à l'écoute au casque.

Si le soprano d' saisit par la légèreté et la délicatesse du timbre, le ténor de est de bout en bout captivant, voire irrésistible par sa chaleur. Et si l'expression de la femme se voit soumise à une bonne dose de théâtralité, celle de l'homme frappe par le naturel et la sobriété. Profond et extrêmement humain dans tous les registres, il émerveille par la suggestivité et la subtilité. Pour , on aurait aimé percevoir un vibrato un peu moins intense dans les aigus, mais on se délecte de la clarté de sa diction, de la netteté de son articulation et de la douceur de ses phrasés. Pour les pianistes, on remarquera que le Pleyel, touché si discrètement par , envoûte par la finesse du ton, tandis que l'Erard, aux sonorités plus dures (mais pas crispées ni rudes), émerveille sous les doigts de par une plus large palette de nuances dynamiques.

Un excellent disque publié en hommage à l'éminent musicologue Mieczysław Tomaszewski, décédé en janvier dernier, qui prouve que les mélodies de Chopin devraient faire partie d'un répertoire à vénérer tout comme ses partitions pour piano.

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