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À Évian, Benjamin Bernheim comme une offrande

À Évian, les « Voix d'Automne » ont présenté le ténor accompagné par la baguette de et l', dans un moment de beauté vocale sublime fait d'une conscience affirmée et d'un immense respect pour la musique.


Quand, dans sa critique de la version originale du Faust de Gounod récemment parue dans le livre-CD du Palazzetto Bru Zane notre confrère n'hésite pas à comparer la voix de à celle d', tout est dit. Et à l'issue du concert que le ténor franco-suisse a donné dans le cadre du festival « Voix d'Automne » à Évian, il faut bien reconnaître que le jeune homme a démontré un exceptionnel don et une parfaite maîtrise de la mélodie et de l'opéra français.

Français ? Et russe par la même occasion. Quand il entame l'air de Lenski d'Eugène Onéguine de Tchaïkovski, le moelleux, le soyeux admirable de l'attaque de « Kuda, kuda, kuda… » transporte l'auditeur dans une autre dimension. Avec cette approche, ce style impeccable, ce phrasé subtil, le chant de touche au sublime. En un instant, on ressent un irrésistible besoin de ne plus respirer comme si le moindre de nos souffles allait troubler l'air qui vibre à la voix. Un chant de l'âme, un don que le chanteur nous propose en offrande du creux de ses mains lentement ouvertes.

Puis c'est la grâce qui l'habite bientôt dans un éthéré « En fermant les yeux » de Manon de . Dans la voix de Benjamin Bernheim, le rêve de Des Grieux reste celui d'un homme envahi par la passion sans le pathos excessif de l'amoureux transi. La voix s'élève, comme une évidence, droite, pleine, projetée avec une force contenue comme pour l'empêcher de crier, comme pour l'apaiser même quand l'intention poétique la voudrait agressive. Dans cette authenticité, dans cette simplicité interprétative qui laisse à la poésie et à la musique sa totale identité, Benjamin Bernheim sert la musique à merveille. Le chant est si beau, si bien conduit qu'on en vient à l'aimer plus encore que les accords de l'orchestre qui l'accompagne. Comme une pierre précieuse si éclatante qu'on regrette de la voir enchâssée dans les chatons d'une bague.


En première partie, le ténor ouvre son récital avec Les Nuits d'Été d' où on retrouve les qualités exceptionnelles de chant et d'interprétation qu'il affirmera plus encore dans les airs d'opéra de la deuxième partie de son récital. Peut-être qu' à l'opposé d'un , par exemple, n'a-t-il pas toujours favorisé l'expression vocale dans ses œuvres, et peut-être qu'aussi la barrière même discrète de la partition placée devant le chanteur fait écran entre l'interprète et le public, mais Benjamin Bernheim nous est apparu quelque peu moins inspiré que plus tard dans la soirée. Reste que l'élévation vocale qu'il offre dans « …parmi la fête étoilée… » du Spectre de la Rose et le mezzavoce dans « Que mon sort est amer ! » de Sur les lagunes sont des moments frissonnants inoubliables.

Généreux, après un lumineux et éclatant « Ah ! Lève-toi, soleil ! » du Roméo et Juliette de Gounod, Benjamin Bernheim, offre en bis un très émouvant « Una furtiva lagrima » de L'Elisir d'Amore de Donizetti suivi d'un touchant et admirable « Pourquoi me réveiller » de Werther de Massenet avec une qualité de diction, une pose de son, un sens de la prosodie qui font de cet artiste l'un des plus beaux chanteurs que votre serviteur a pu entendre depuis très longtemps.

Une standing ovation après une performance d'une telle classe aurait abîmé le plaisir. Le public l'a compris en réservant à Benjamin Bernheim, au chef et à l' des applaudissements chaleureux et ressentis saluant une performance d'artiste unique. Merci Monsieur Bernheim !

Crédit photographique : © Aline Paley

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