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Edith Mathis à Lucerne, simple et naturelle

Dans un programme taillé sur mesure, la soprano suisse impose sa personnalité. Sans fard et sans artifice, fait triompher le naturel et de la simplicité.

Après la parution du coffret plutôt décevant compilé l'année dernière par la Deutsche Grammophon, c'est au tour de la maison Audite de célébrer, un peu tardivement il est vrai, les 80 ans d'. Dans ce cadre-ci, c'est à l'intimité d'une soirée d'été, enregistrée lors du festival de Lucerne dans la ville natale de la cantatrice suisse, qu'est convié l'auditeur.

Ce joli album s'entendra donc comme le témoignage d'un moment de partage proposé par une chanteuse au sommet de son art et de ses moyens, soucieuse d'offrir à son public un échantillon de son répertoire de prédilection. Mozart, Schumann, Brahms, Strauss sont des compositeurs qui ont jalonné pendant près de quatre décennies le parcours d'une artiste authentique qui n'a jamais cherché à briller ou à attirer les feux des projecteurs. Ni par la virtuosité vocale (dont elle n'était pourtant pas dénuée, comme le prouvent certains des enregistrements de Bach qu'elle nous a laissés), ni par la sophistication excessive de l'interprétation, telle que cette dernière était de mise à une époque, les années 1970, où les grands chanteurs de lied s'appelaient Elisabeth Schwarzkopf, Dietrich Fischer-Dieskau, Gérard Souzay, etc. Simplicité, sobriété et musicalité sont donc les maîtres mots d'un récital généreux et bien construit qui, de Mozart à , propose à l'auditeur un voyage dans le temps tout comme un parcours à travers les affects et les émois de l'âme germanique.

Mozart, nous le savions, est le terrain d'élection d'une chanteuse qui fit de Chérubin puis de Suzanne, de Pamina, de Zerlina, d'Ilia, les rôles de toute une carrière. L'élégance de la ligne, la beauté des phrases ressortent des cinq mélodies retenues pour ce programme, dont l'une permet de faire entendre un français exotique mais de belle facture. Les lieder de Bartók et de Brahms flirtent avec la veine folklorique d'une partie de la littérature musicale de cette partie de l'Europe. Le timbre d'argent d' fait merveille dans des pages qui, confiées à d'autres, sombreraient vite dans la préciosité ou la mièvrerie. L'allemand des Chants slovaques de Bartók surprend quelque peu aujourd'hui, mais c'est comme cela qu'on envisageait une certaine partie du répertoire il y a encore une cinquantaine d'années. Le choix du compositeur hongrois rappelle par ailleurs tout l'engagement dont fit preuve Edith Mathis dans la découverte de la musique de son siècle : Frank Martin, Othmar Schoeck, Bohuslav Martinú, Hans Werner Henze, Gottfried von Einem, Gian Carlo Menotti, Heinrich Sutermeister, etc.

En deuxième partie de programme, Schumann et trouvent la soprano à son meilleur. Le naturel et la subtilité des demi-teintes, les reflets argentés du timbre donnent à chacune de ses pages un caractère unique qui fait tout le prix de cet album. Le piano efficace et attentionné de participe à l'atmosphère chaleureuse d'une soirée visiblement très appréciée du public à en croire les riches applaudissements qui la ponctuent. Un seul bis complète le programme, le ravissant lied de Wolf « Auch kleine Dinge können uns entzücken » (Les petites choses aussi peuvent nous ravir). La pertinence de ce choix, si on l'applique dans son entièreté au programme du récital d'Edith Mathis, n'aura échappé à personne.

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