- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Le Quatuor Ébène emmène Beethoven en voyage autour du monde

Faisant coïncider, en 2020, leurs vingt ans d'existence et le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, le emmène le maître de Bonn en voyage de par le monde, superbe opportunité d'entreprendre une intégrale de ses quatuors à cordes, dont cet enregistrement constitue la première page.

Un double anniversaire célébré par une tournée mondiale de 120 concerts dans 21 pays. Au cours de ce long voyage « Around the world », et dans un souci d'universalité, les Ébène ont bâti cette intégrale, initiée à Philadelphie en mai 2019, en enregistrant « live » 7 disques dans 7 villes différentes, avec en point d'orgue l'ensemble des quatuors donné en 6 concerts au Carnegie Hall de New-York en avril et mai 2020, et à l'automne à la Philharmonie de Paris.

Le premier album de cette série, enregistré à Vienne en juin 2019 présente les Quatuors n° 7 et n° 8 (dits Razumovsky n° 1 et n° 2 du nom de leur dédicataire) appartenant à la période  « médiane » du compositeur. Cette période, correspondant à la composition des op. 59, op. 74 et op.95, s'étendant de 1806 à 1810, est celle où Beethoven s'écarte radicalement et définitivement des influences classiques de Haydn et Mozart pour asseoir son propre style dans une vision plus orchestrale et symphonique, valorisant la polyphonie, avant d'aborder au gouffre métaphysique et halluciné de ses derniers quatuors.

Le Quatuor n° 7 en fa majeur séduit immédiatement par ses sonorités nouvelles et par la clarté de la polyphonie dans l'Allegro initial, porté par un lyrisme et un idéalisme qui n'excluent pas une certaine violence contenue, sans toutefois jamais se départir d'une ligne directrice et d'une complicité confinant à l'égrégore. Plus engagé et véhément, l'Allegretto se caractérise par son énergie communicative, tandis que l'Adagio se pare d'une beauté grandiose de simplicité, dans un cri de douleur sublime, avant la cavalcade furieuse du thème russe final.

Dans un climat bien différent le Quatuor n° 8 en mi mineur affiche son réalisme dès le premier mouvement Allegro, tout en contrastes et ruptures, porté par une force dramatique qui traduit l'âpreté du combat contre le destin, dans un mélange d'ardeur et de souffrance. Très intériorisé, comme une prière, le Molto adagio pousse l'émotion et la douleur au climax par son admirable legato. Plus extraverti, le Thème russe qui lui fait suite manque peut-être un peu de majesté avant un Presto final jubilatoire aux allures dionysiaques.

Si le pari peut paraître osé, année Beethoven oblige, ce début d'intégrale des quatuors à cordes de Beethoven par les Ébène, vibrant et sans concession, intime et passionné, convainc indéniablement par la maturité des musiciens ( au violon I, au violon II, , dernière arrivée en 2018, à l'alto et au violoncelle) qui le constituent, par leur complicité sans faille, par l'énergie prégnante, les couleurs, le lyrisme, la clarté et la poésie du discours.

On attend avec une impatience certaine le prochain opus…

(Visited 1 360 times, 1 visits today)