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Guitare électrique sous les doigts experts de Christelle Séry

La guitare électrique est au centre du dispositif sonore, éprouvée dans toutes ces capacités et jusqu'aux seuils de l'audible, dans les musiques improvisées. Elle ne démérite pas, sous les doigts de , lorsqu'elle se met au service de l'écriture. En témoignent ces Pages électriques, le deuxième disque monographique de la guitariste, donnant la réplique aux « Pages acoustiques » enregistrées en 2011. 

On s'interroge sur la source et la facture d'Ombre pour ombre, de et par . L'interprète-compositrice met à l'œuvre toute l'ingénierie électrique de son instrument pour en démultiplier le champ de résonance. Le geste instrumental s'efface au profit de « l'ombre amplificatrice », au sein d'un continuum sonore traversé de voix fantomatiques et de rugosités inquiétantes : musique de flux, puissante et colorée, engendrée par l'interprète qui modèle un espace toujours mouvant. Le geste instrumental, mais aussi le souffle et la voix de la guitariste s'entendent dans Strates de , une pièce qui fait appel à la technique de ré-injection, où les mêmes objets sonores se retrouvent dans des contextes différents.

Le train de vie V – Alison (2014) pour guitare électrique et sons fixés appartient à un cycle de pièces mixtes que la compositrice taïwanaise poursuit aujourd'hui. L'énergie du geste, l'espace et la résonance sont des dimensions essentielles de son écriture. Le jeu de la guitariste s'inscrit sur une toile tout à la fois stable (trame en boucle) et mouvante, nourrissant un maelström sonore qui monte en puissance et concourt à l'ambiguïté des sources.

Féru de voyages au long cours, se passionne pour les lieux chargés d'histoire et aujourd'hui abandonnés, dont il émane, à ses oreilles, une résonance particulière. Yùrei pour guitare électrique et électronique – le nom d'un fantôme au Japon – est extrait de Campo Santo, projet multimédia du compositeur qui s'est intéressé à la cité minière de Pyramiden, lieu aujourd'hui désert où le vent charrie le souffle de voix fantomatiques : tels ces  « sirènes », ondes éperdues tirées de la guitare et répercutées par l'électronique dans l'espace vide du début de la pièce. A partir de sons enregistrés in situ, Combier élabore des séquences musclées et virtuoses où les sons métalliques en écho de la guitare électrique relayée par l'électronique semblent restituer l'activité des ateliers de Pyramiden. Le splendide chorus de la guitare au centre de la pièce renvoie davantage à l'univers du jazz-fusion.

Avec l'électronique et les logiciels de transformation, l'Italien s'intéresse à la trace du son dans l'espace dans Quattro Nudi, une musique de gestes ouvrant des perspectives sonores inattendues. Ça percute, ça rebondit, ça ondule, ça glisse, ça grince, et ça se déchire enfin dans Ricercar 11 – effet-joule du facétieux . Les figures sont finement dessinées dans cette pièce subtile et joyeuse, petit théâtre de sons qui s'anime sous les doigts experts de . Superbement investie, la guitariste dévoile, dans cette dernière pièce de l'enregistrement, une facette plus intimiste de son instrument.

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