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Dina Ugorskaïa et Schubert : un précieux héritage

Restée trop méconnue du grand public, la talentueuse pianiste allemande d'origine russe vient de disparaître, vaincue par le cancer, quelques mois après ce magnifique enregistrement schubertien.

Née au sein d'une famille musicienne de haut niveau (son père n'est autre que le pianiste Anatol Ugorski), elle se présente au public dès l'âge de sept ans et donne son premier concert avec le Concerto n° 4 de Beethoven. Élève du conservatoire de Leningrad, elle est contrainte avec sa famille de quitter la Russie en 1990 pour Berlin (puis Detmolt) en raison d'un antisémitisme marqué.

Elle laisse quelques gravures (Bach, Beethoven, Haendel, Schumann) avant d'enregistrer son ultime témoignage musical avec cette anthologie mûrie de la musique de Schubert. Elle décède le 17 septembre 2019 à l'âge de 46 ans.

« Schubert et ses “longueurs célestes” m'ont accompagnée tout au long de ma vie. Dans cette musique, le temps semble parfois immobile ». Pensée profonde qui sans doute accompagna son parcours intime et ultime, son chant du cygne est marqué par un dramatique rapport au temps et à la finitude.

Lorsque Schubert achève sa Sonate pour piano n° 21 en si bémol majeur, trois mois avant sa disparition le 19 novembre 1828, il parvient encore à inventer une mélodie prégnante dès le Molto moderato initial, ouverture magique vers un monde de résignation largement détaillé tout au long de ce chef-d'œuvre impérissable que confirme un Andante sostenuto dont l'interprète souligne l'indicible beauté tout en proposant une lecture radieuse des deux derniers mouvements notés Allegro.

Le jeu de la pianiste fait merveille dans les Trois Pièces pour piano, en particulier dans celle marquée Allegro assai en mi dièse mineur qui ressort comme augmentée par la délicatesse et les fines nuances du discours.

Avec les Six Moments musicaux aux humeurs diverses, parcourt un inoubliable cheminement détaillant avec précision le monde secret du compositeur. Celui en fa mineur, Allegro moderato exacerbe alternativement la lecture intimiste et les champs dynamiques dont elle souligne à juste titre le contraste proposé par le n° 4 en do dièse mineur, Moderato, véritable invitation au voyage lointain et désincarné.

Une interprétation subtilement mélancolique.

 

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