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Noël à Stuttgart avec La Belle au bois dormant de Marcia Haydée

Avec deux représentations en une seule journée, le Ballet de Stuttgart réjouit le public des jours de fête, mais la chorégraphie comme l'interprétation laissent quelques questions sans réponse.

La production de , créée en 1987, a des qualités réelles, mais aussi beaucoup de défauts. Le décor de n'est pas très réussi, en particulier pour le prologue, mais il a surtout le grand défaut de rétrécir la scène, et les grands manèges du Prince en deviennent tout étriqués. Y aurait-il une volonté de donner à ce grand spectacle une dimension plus intime ? Le choix de faire aboutir la chasse de l'acte II directement à l'endroit où est la cour endormie le laisse penser ; adieu donc le « panorama » où le Prince voyage avec la Fée des Lilas, pour un profit qu'on peine à discerner.

Au dernier acte, Haydée a choisi de mettre sur scène encore plus de contes de fées que ce que Petipa avait prévu lui-même, en faisant de Blanche-Neige, de Hänsel et Gretel ou d'Arlequin et Colombine les déguisements des invités de la noce ; la surcharge chromatique prive les lignes de Petipa de toute leur harmonie, et il aurait mieux valu travailler un peu plus la chorégraphie du duo des chats, la plus faible que nous ayons vu. Le principal point fort est le traitement du rôle de Carabosse, confié comme souvent à un homme, ici successivement Roman Novitzky et Ciro Ernesto Mansilla : le rôle n'a plus rien de la majesté cassante et fantasque que lui donnait par exemple la chorégraphie de Noureev ; Carabosse est ici un tourbillon qui mange la scène avec ardeur, et une grâce paradoxalement très féminine, que rien ne pourra vaincre définitivement. Les deux danseurs de cette longue journée de danse méritent tous les éloges, avec une préférence malgré tout pour le premier qui, avec toute son expérience de la scène, lui confère une présence plus grande encore.

Le charme de la Belle au bois dormant tient notamment à ses nombreux petits rôles : on peut espérer y trouver les étoiles de demain, même si tout n'est jamais parfait dans les nombreuses fées et pierres précieuses qui défilent. Ici, rien n'est indigne, on peut voir une fort belle danse d'espoirs de la troupe comme Vittoria Girelli, Veronika Verterich et Diana Ionescu, mais rien qui dépasse une sagesse un peu scolaire qui n'enthousiasme à aucun moment. Le pas des Pierres précieuses, lui, est transformé en pas de cinq par l'ajout d'un soliste masculin qui y prend le pas sur les pierres précieuses elles-mêmes : c'est l'occasion d'admirer deux solistes brillants, Alexander McGowan et Timoor Ashar, mais la chorégraphie de l'ensemble remplaçant une bonne partie des variations par des ensembles a perdu toute la force géométrique et l'élégance des lignes de Petipa. Les quatre princes partenaires d'Aurore dans l'Adage à la Rose, au contraire, gagnent beaucoup dans cette version : non seulement ils ne se contentent pas du rôle de faire-valoir, mais leur donne avec cette fois une grande efficacité l'occasion de créer des personnages différenciés : les deux quatuors du jour y montrent que la troupe masculine du ballet de Stuttgart n'est pas en manque d'espoirs.

Dans les rôles centraux, il est difficile cette fois d'établir des hiérarchies entre les deux représentations. Miriam Kacerova a une élégance plus séduisante et une aura certainement plus grande qu'Ami Morita en Fée des Lilas, Friedemann Vogel comme David Moore semblent bridés par cette chorégraphie de petite scène ; l'élégance suprême de Vogel suscite l'admiration, mais c'est aussi une qualité distinctive de Moore ; le rôle très conventionnel ne permet pas beaucoup de distinctions dans l'incarnation scénique. Elisa Badenes, elle, a cette même qualité d'élégance, un sourire onctueux, une sorte de naturelle chaleur qui manque un peu à Anna Osadcenko le soir, mais cette dernière est certainement plus ambitieuse techniquement – elle semble un peu mal à l'aise dans les équilibres, mais fait l'effort de les tenir, contrairement à sa consœur. Personne n'attend à vrai dire du ballet de Stuttgart qu'il rivalise avec le Bolchoi ou avec l'Opéra de Paris dans la virtuosité façon Petipa, mais d'autres versions auraient certainement donné à ces interprètes un peu plus de liberté pour exprimer leurs talents.

Tout ceci donne l'impression d'une pièce un peu surdimensionné pour le Ballet de Stuttgart, dans l'héritage duquel le ballet impérial russe n'est pas le point fort ; la vision forte de John Cranko pour Le Lac des Cygnes permettait de l'acclimater de façon satisfaisante, celle de pour La Belle au bois dormant ne parvient pas à trouver sa voie.

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