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À Lyon, quand John Adams regarde le plafond et voit le ciel

Ouvrage atypique par excellence, que ce soit au sein de la production musicale de son compositeur , ou du paysage lyrique de manière générale, I was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky fait l'objet aujourd'hui de l'attention des chanteurs du Studio de l'Opéra de Lyon.


Créé en 1995, ce songplay (pièce chantée) ne peut être ni qualifié d'opéra, ni du genre plus populaire de la comédie musicale, et cela même s'il déploie certains codes de l'un comme de l'autre. La vingtaine de numéros musicaux s'enchaînent dans une hétérogénéité de styles effrénée : entre rythmes latino et spiritual, entre blues, jazz et rock, entre funk, soul et be-bop, agrémentés d'un peu de musique « minimaliste » pour stimuler l'écoute… C'est finalement un pastiche de deux heures qui fait ressortir peu de moments forts (le trio de femmes Song about The Bad Boys and The News ou le solo de Consuelo), et dont le peu de caractérisation des différents personnages rend difficile une quelconque identification ou empathie particulière. Pourtant les sujets abordés s'inscrivent pleinement dans les enjeux actuels de notre société.

Le traitement fait par la librettiste June Jordan en est aussi la cause. Malgré cette dimension multiculturelle et cette atmosphère urbaine inspirantes, les textes véhiculent des idées si peu originales et si convenues qu'elles rendent les saynètes bien fades : une mère de famille salvadorienne qui survit en enchaînant ménage sur ménage ; un policier raciste et homophobe se découvrant des penchants sexuels pour lui « contre-nature » ; une animatrice de télévision dont le reportage en immersion engendre un voyeurisme médiatique malsain ; un afro-américain injustement condamné qui retrouve la liberté grâce au tremblement de terre de Los Angeles en 1994 ; sans oublier l'avocat transsexuel derrière son pupitre de plaidoyer et un prêtre et sa fidèle dans un prie-Dieu « bling-bling » surmonté d'une croix en leds fluorescentes. Comme pour le souligner, compartimente tout ce beau monde dans un décor unique marqué et coloré, un immeuble probablement influencé par l'esthétique du pop art, alors que l'ensemble instrumental au centre du plateau est positionné au rez-de-chaussée, en jean et baskets, comme si l'on assistait à une répétition d'adolescents dans l'intimité d'un garage.

En face d'un instrumentarium décapant, mêlant amplification et rythmique rock (basse, guitare électrique, synthétiseurs et batterie) à des sonorités acoustiques (piano, clarinette, clarinette basse, saxophone), Vincent Renaud mène ce patchwork musical avec maîtrise, grâce à des tempi enlevés afin d'assurer la rythmique entraînante de la partition.

Côté voix, tous parés de leur micro-tête, les chanteurs composent une distribution homogène sans fausse-note, même si l'on est plus touché par la sensibilité de qui excelle dans son solo (Consuelo's Dream), et par la rigueur du chant d'Aaron O'Hare qui campe un policier froid et distant. Aucun pourtant ne démérite, sans pour autant marquer les esprits. L'ensemble qui donne son titre à l'œuvre, découlant pleinement de l'art minimaliste de , reste lui dans la tête, telle une chanson obsédante.

Crédits photographiques : © Blandine Soulage

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