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Sonates et Partitas par Solenne Païdassi, dans la joie et l’humilité

Enregistrer les Sonates et Partitas de constituait un rêve ancien pour , violon solo de l'Orchestre national de Belgique. Un rêve et un travail de longue haleine qui ont pu devenir réalité avec l'appui d'une campagne de financement participatif.

L'école moderne du violon, nourrie de ces fameuses esthétiques russes, franco-belges ou allemandes, s'est enrichie d'une connaissance « historique » qui a influencé le rapport à l'interprétation. L'enseignement du violon ancien depuis maintenant un demi-siècle a forgé une nouvelle identité stylistique chez les instrumentistes. Tous les violonistes n'ont pas adopté le violon baroque, loin de là, mais tous ont bénéficié, consciemment ou non, des influences précieuses apportées par la lecture des traités de l'époque où la musique ne peut exister sans la rhétorique.

Les Sonates et Partitas de Bach pour violon ont ceci de particulier qu'elles échappent à tout dogmatisme d'interprétation. Nous sommes dans la musique du Tout, dans les proportions parfaites que sous-tendent les axes métriques. Ces six œuvres sont des cathédrales harmoniques qui s'inscrivent dans le panthéon des chefs- d'œuvre composés pour le violon.

La version de s'inscrit dans une tradition classique avec un jeu instrumental sobre et sans faille, respectueux de la ligne claire, mais aussi dans une esthétique « néo-baroque » qui privilégie l'articulation du récit.

Comme elle le rappelle très bien dans le livret du CD, avec Bach nous sommes confrontés à ce paradoxe : la verticalité est primordiale, chaque harmonie étant le prolongement d'une pensée tendue vers la perfection, mais celle-ci disparaissant presque tant la ligne mélodique nous emporte, telle une vague déferlante, en laissant, ici et là, place à une douce nostalgie.

La complexité des Sonates (BWV 1001, 1003, 1005), notamment dans les fugues, trouve avec Païdassi une grandeur d'exécution, où la lecture contrapuntique n'altère pas la ligne du verbe. La violoniste a choisi un mode de vibrato d'une très faible amplitude, excepté lorsqu'il s'agit de soutenir parfois le dernier souffle d'une note qui invite à repenser le sens de la vie. Cela pourrait manquer de chair expressive à certains endroits, de subtils ports-de-voix, non, nous sommes déjà au-dessus des choses de ce monde, et la violoniste assume totalement sa recherche de pureté de souffle.

reconstruit le chef-d'œuvre, dans la joie et l'humilité, en essayant d'être au plus près de ce qu'elle considère comme l'exquise noble prière. Si la main gauche contient ses passions, l'archet en revanche, par la fermeté de sa conduite, nous parle avec une diction terrestre où consonnes et voyelles se fondent dans la matière de la lumière.

Dans les Partitas (BWV 1002, 1004, 1006), qui sont des suites de danses, la violoniste prend quelques subtiles libertés avec le texte original, en rajoutant, ici et là, quelques fugaces ornementations, des fusées pleines d'ardeur, notamment lors des reprises, comme pour montrer qu'il y a dans ces scènes d'inspiration populaire, une exaltation supplémentaire que l'on peut s'autoriser sans craindre les foudres divines.

Cette interprétation des Sonates et Partitas impose un souffle qui ne se relâche jamais. Une joie de jouer en émane du début à la fin, un état d'illumination constant habite cet enregistrement, sans que jamais un détail ne soit laissé au hasard.

Solenne Païdassi transforme la musique du Cantor en un chant du cœur. Je retrouve là, nous dit-elle, l'homme et le génie, dans la représentation parfaite d'une réalité physique et humaine qui transcende les âges. Quelle artiste !

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