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Charles Lamoureux au cœur du wagnérisme et de la vie musicale parisienne

fonde l'orchestre qui porte son nom en 1881. Si la promotion de la musique de Wagner représente, à l'origine, la raison d'être de son entreprise, le chef d'orchestre va apporter un nouveau souffle à la vie musicale française comme le démontre l'auteur de cette biographie, Yannick Simon.

Lamoureux, chef du “parti wagnérien” » : la messe est dite ! Aujourd'hui, on imagine difficilement le pouvoir artistique de ces quelques musiciens – Pasdeloup, Colonne et Lamoureux – qui, à la fin du XIXe siècle, bâtirent des orchestres, diffusèrent les œuvres nouvelles avec une détermination sans faille. On était bien au lendemain de la catastrophe de Sedan et les artistes français, si patriotes, se rendaient pourtant en pèlerinage à Bayreuth. La wagnéromanie atteignit son comble. « Nationalisme français et wagnérisme ne sont pas incompatibles » souligne fort à propos, Yannick Simon.

La démarche de l'auteur est d'inspiration universitaire. Elle se concentre sur son sujet – l' n'est étudié qu'entre sa fondation, en 1881 et la disparation de son directeur, en 1899 – de manière parfois un peu aride et sous forme de chapitres : le quatuor, l'oratorio, la symphonie, le répertoire des concerts, l'opéra. Les archives nous “parlent” (451 concerts) et laissent peu de place à l'analyse de la société musicale de l'époque, si proche des cercles littéraires, notamment. C'est un léger regret de ne pas ressentir suffisamment la contextualisation artistique de l'époque.

Cela étant, le portrait de est efficace, depuis son parcours de violoniste et de chambriste, à sa position éminente de chef d'orchestre. Le lecteur perçoit les traits d'un caractère bien trempé. Farouchement indépendant, notamment vis-à-vis des pouvoirs publics – l'auteur parle de “phobie institutionnelle” – il est avant tout, un entrepreneur. Il refuse le cahier des charges de l'Etat en contrepartie de subventions publiques qu'il devra pourtant accepter à la fin de sa vie, malgré sa fortune personnelle, sous peine de voir l'orchestre disparaître. Lamoureux étudia les modèles d'orchestres en Europe, s'inspirant notamment des sociétés anglaises. Plusieurs tentatives furent infructueuses. Il ne s'entêta pas. En revanche, il fut opportuniste et sans état d'âme. Il allait où le portait son intérêt du moment.

Lamoureux possédait une immense culture, dominée par sa fascination pour Wagner à laquelle s'ajoutait une passion pour le répertoire allemand en général dont Beethoven et Brahms, en particulier. Paradoxalement, le musicien inscrivait son action « dans un but artistique et patriotique », réservant aussi une place enviable aux compositeurs français – Saint-Saëns, en premier lieu – mais délaissant Berlioz et Debussy. Avec les orchestres Pasdeloup et Colonne, les deux autres associations concurrentes qui vont dominer la vie parisienne (la Société des Concerts du Conservatoire – à laquelle Lamoureux appartient un temps – et l'Opéra “jouent la carte” du prestige), les rivalités s'exacerbent. Le niveau des orchestres est enviable et la formation de Lamoureux s'impose. Weingartner, Mottl et Strauss font partie des chefs invités et les solistes les plus prestigieux y sont programmés. De facto, l'orchestre pratique des prix élevés et ne peut être qualifié de “populaire”. Son travail de fond porte ses fruits : le public parisien assidu de la formation possède une connaissance remarquable du répertoire wagnérien – en langue originale – mais aussi de l'œuvre de Brahms, au point que envisage de faire construire à Paris, un théâtre dédié à la musique de Wagner, sur le modèle de celui de Bayreuth.

Cette biographie assez succincte – les archives concernant le musicien qui disparaît le 21 décembre 1899 sont relativement modestes – est avant tout précieuse pour la compilation d'informations (lieux de productions, tournées, recettes de l'orchestre, types de publics etc.). Autant de données bien exploitées qui donnent une idée synthétique et éclairante de la vie d'une formation au tournant du siècle.

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