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Daniel Harding et Mahler à l’Arsenal de Metz

Avec un de bon niveau, Harding propose une Cinquième Symphonie personnelle et forte.

Ce n'est pas tous les jours que l'Arsenal de Metz est à pareille fête orchestrale : les œuvres à très grand effectif sont un défi que l'Orchestre national de Metz ne peut s'offrir fréquemment, et un chef de la dimension de ne peut qu'y être rare. C'est une tournée en voisins de l' qui permet ce soir d'entendre la Cinquième Symphonie de Mahler, et le public ne s'est pas fait prier, non seulement pour remplir la salle, mais également pour faire un triomphe aux musiciens.

Le concert s'ouvre par le court concerto pour trompette de , peut-être pas son œuvre la plus forte, mais une excellente occasion pour admirer l'art de , qui a fait beaucoup ces dernières années pour faire entendre cette œuvre. La richesse du son jusqu'aux nuances dynamiques les plus intimes, la souplesse constante du phrasé et de l'articulation, l'expressivité simple sont une démonstration musicale comme on entend rarement – en toute humilité face à l'œuvre.

La Symphonie n° 5 de Mahler occupe ensuite l'essentiel du programme. Les choix de Harding ne sont pas une surprise pour qui l'a souvent entendu dans ce répertoire, mais leur cohérence et leur intérêt suffisent à rendre le voyage mahlérien passionnant, aux antipodes de l'approche apollinienne qu'a illustrée ces dernières années Bernard Haitink. Ce dernier regrette à l'occasion la tendance de beaucoup de chefs à jouer Mahler trop fort, et on ne peut que lui donner raison ; avec Harding, les décibels sont là aux moments opportuns, mais jamais au point de mettre en danger la continuité du discours ou la transparence des couleurs orchestrales. La dimension relativement modeste de la salle de l'Arsenal pourrait faire craindre que ces décibels n'assomment l'auditeur : il n'en est heureusement rien. Les deux premiers mouvements, étroitement complémentaires, sont tendus à l'extrême, y compris dans les passages où la violence extérieure semble s'apaiser. Les fanfares sont des cris, l'atmosphère pesante ; il s'agit ici moins d'un combat, celui du héros contre des éléments hostiles, que d'une description d'un monde menacé par le chaos, où rien ne sonne plus faux que les triomphes apparents de la fin du deuxième mouvement. Le Scherzo lui-même garde une amertume, une force d'entraînement empêchée qui ne parvient jamais à trouver la légèreté, et les élans du désir sont sans innocence.

L'Adagietto qui suit n'a ici rien du tire-larme que sa malencontreuse célébrité en a fait : Harding choisit un tempo plutôt rapide et s'interdit les alanguissements, parce qu'il n'en tire pas un contraste facile avec ce qui précède. Il ne lui retire pour autant pas sa fonction première : la mélodie des premiers violons est frémissante, mais la harpe prend par instants des accents presque menaçants. Le final n'apporte pas de rédemption, mais du moins une forme de mise en mouvement, de progression qui n'empêche pas la brutalité de la fin d'apparaître dans toute sa crudité : elle n'est que l'aboutissement logique d'un parcours très personnel et très convaincant.

Crédit photographique © Julian Hargreaves

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