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Le Bossu de Notre-Dame en ciné-orgue pour la réouverture de la cathédrale d’Alès

En avant-première du 38ᵉ Festival Cinéma d'Alès Itinérances et à l'occasion de la réouverture de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste, après plusieurs années de travaux, l'organiste a ébloui l'assistance par des improvisations au grand orgue durant la projection du film Le Bossu de Notre-Dame.

La cathédrale d'Alès a bénéficié de longs travaux, d'abord sur l'extérieur du bâtiment, puis à l'intérieur, ce qui a demandé un immense travail de restauration. Toute la décoration remontant du XVIIᵉ siècle au XIXᵉ siècle a été conservée et scrupuleusement restituée pour aboutir à un somptueux ensemble, jadis souillé par 150 ans d'industrie du charbon. La soirée du samedi 7 mars était consacrée à la projection du film de Wallace Worsley, sorti en 1923 aux États-Unis, Le Bossu de Notre-Dame, inspiré du roman éponyme de paru en 1831. Malgré la destruction de nombreuses archives dès 1947, ce film fut épargné et miraculeusement sauvé par le restaurateur américain David Shepard en 2005. Ce long métrage avait connu un immense succès lors de sa sortie, y compris en France dès 1924. Certes, l'action s'écarte parfois du texte pour ne pas soulever certaines polémiques religieuses redoutées à l'époque, mais la trame générale est globalement bien conservée.

Ces vieux films muets en noir et blanc étaient, lors de leurs projections en salles, sonorisés en direct par des musiciens, tels des pianistes, des organistes ou des orchestres. À partir de la fin du XIXᵉ siècle, les grandes salles américaines puis européennes se virent dotées d'orgues dits « de cinéma », servant à l'accompagnement des films. On a le souvenir du célèbre instrument du Gaumont Palace à Paris, construit en 1930 et qui perdura jusqu'à la fermeture de cette salle en 1972, instrument aujourd'hui installé au pavillon Baltard à Nogent-sur-Marne.

Ici , titulaire de l'orgue Dom Bedos de l'abbatiale Sainte-Croix de Bordeaux, dispose de l'orgue baroque français de la cathédrale d'Alès, édifié en 1728 par et agrandi en 1782 par . Après la période romantique habituelle, c'est qui lui avait redonné son âme originale en 1979. Dès les toutes premières images du générique et du début de l'action, le spectateur est saisi par les décors somptueux du film. Notre-Dame de Paris est reconstituée en studio de manière fidèle et les personnages qui s'agitent autour d'elle nous plongent sans effort dans cette époque moyenâgeuse foisonnante, si bien décrite dans l'œuvre de . La musique se répand dans la nef de toutes parts, prenant le spectateur à la gorge. Pour ceux qui ont connu cet orgue avant la restauration de la cathédrale, la surprise est de taille : l'acoustique a changé et s'est même améliorée. La restauration y est pour beaucoup car tout sonne mieux et la manière avec laquelle aborde l'instrument le projette efficacement dans l'édifice, sachant révéler ses multiples voix.

Le musicien suit l'action au millimètre, autant dans les climats que dans les changements très rapides de plans. Il anticipe l'action afin que le spectateur reste connecté en permanence au déroulement naturel du film. La musique fait corps avec l'image, jusqu'à se faire oublier complètement. Elle devient partie intégrante du spectacle. Le langage est varié, modal lors des scènes de danses, lyrique pour les séquences sentimentales, héroïque pour les batailles rangées entre soldats et personnages de la cour des miracles. Les différents mélanges de jeux sont mis en valeur depuis le grand fond d'orgue du facteur Lépine, jusqu'au grand jeu rutilant de couleurs. Le jeu de cornet, très déclamateur, fait merveille pour appuyer le récit des acteurs. On reconnait là une grande expérience en ce domaine de la part de Paul Goussot, improvisateur inspiré et allégorique.

Revenant au film lui-même, il faut également remarquer l'excellence des acteurs du film dont Lon Chaney dans le rôle de Quasimodo, émouvant et troublant d'authenticité. Les autres acteurs, par leur jeu somme toute sobre et naturel, contribuent pleinement à la réussite de ce film.

Devenu une mode, le ciné-orgue permet à la fois de redonner une nouvelle vie à de vieilles pellicules demeurées des chefs-d'œuvre et de permettre à des musiciens improvisateurs l'occasion d'exprimer leur art dans des conditions stimulantes et créatrices.

Crédits photographiques : © Frédéric Muñoz

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