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Les mondes sonores hybridés de Kasper T. Toeplitz

« Plus classique » : c'est ainsi que présente ce nouvel album où la flûte, la percussion et le violoncelle ont remplacé la basse électrique et le laptop. Le compositeur est quant à lui toujours aux manettes, modelant en direct un son rien moins que toeplitzien.

En témoigne celui qui débute Cello-Titan (2005), un son « sauvage » à la Xenakis, qui fait un peu mal mais qui sidère par sa charge lumineuse et son pouvoir irradiant ; bientôt contré par un flux grave et une matière plus granuleuse qui finit par l'absorber. Le son est opulent et l'énergie qui le traverse puissante. Les couleurs sont avivées, comme dans cette trame médiane roborative et carillonnante, submergée à son tour par des déferlements au grain sombre, striés de raies de lumière, qui progressent jusqu'à une fin cut.

On perçoit davantage la source instrumentale et le geste du percussionniste dans Reflux-Reformation (2016) : violence de la griffure sur la plaque de métal, impacts mats et déchaînement des baguettes sur les peaux sont autant de morphologies sonores chauffées à blanc par l'électronique qui porte ce maelström sonore jusqu'à l'incandescence. Toeplitz envisage une musique de flux, procédant par tuilages, mais qui s'articule en différentes séquences selon les matières percutées, leur qualité résonnante et leur spectre, déployé aux marges de la saturation : trames de bruit blanc zébrées de stridences, impacts géants et couleur « outre-noir » aux surfaces granulaires.

La fréquence hurlante qui amorce Secteurs d'interférence (2015), celle d'une flûte aussitôt modulée par l'électronique nous met à l'écoute d'une pièce à haute tension, jouant sur la friction des matériaux et les zones fragiles d'interférences (battements entre les fréquences) sur lesquelles le compositeur aime travailler. L'évolution lente vers un médium moins tendu apaise et les nappes de bruit blanc ourlées par la flûte deviennent presque voluptueuses. Superbe également, cette dernière séquence donnant à entendre les sonorités irradiantes de l'instrument sur une trame plus sombre et fluctuante : la flûte et son ombre double.

 

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