- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Incompréhensible intégrale Beethoven sous les doigts de Konstantin Lifschitz

C'est essentiellement grâce aux labels Denon puis Orfeo que le pianiste allemand s'est fait connaître, dans les répertoires les plus divers. De belles réussites, souvent, qui justifient d'autant moins cette intégrale des sonates de Beethoven particulièrement décevante.

Nulle part n'est mentionné, dans le coffret, que les sonates (toutes ?) ont été enregistrées en public. Absence également de la marque du piano. Il pose un certain nombre de problèmes : neutralité du timbre, basses ternes, longueur de son minimale…

Les premières sonates déconcertent. À la fois dans leur réalisation et leur conception. La main gauche disparaît bien souvent (n° 1), noyées dans la pédale. Les changements abrupts de tempos au sein d'une même phrase sont inappropriés. modèle son Beethoven dans l'émotion du moment, avec un toucher cassant notamment dans les basses (n° 3). Les sonates n° 5 et n° 7 sont jouées avec raideur, le médium enfoui. La réalisation des fins de traits manque de précision.

À la sonorité mate des premiers accords de la Sonate « Pathétique », s'ajoute une conception maniérée et inutilement théâtrale : respiration avant chaque accord puis à-coups, luftpause distillées au gré de l'inspiration. Rien n'est « simple » dans ce jeu surchargé d'intentions personnelles. Les dynamiques changent ainsi d'un accord à l'autre (n° 12). La Marche funèbre de cette même sonate manque pour le moins de sobriété ! Le finale de la Sonate n° 9 est d'un débraillé incroyable. Le premier mouvement de la Sonate n° 10 n'est pas dans le bon tempo. Idem pour la Sonate n° 15 dont l'Allegro n'est pas respecté. La Sonate n° 11 a de l'allure, avec un menuet joliment moqueur. L'Adagio grazioso de la Sonate n° 16 possède un beau tempérament. Idem pour les Sonates n° 24 (Thérèse) et n° 25, plus abouties.

À l'évidence, Lifschitz est plus à l'aise dans les mouvements les plus caractérisés Jusqu'à un certain point, toutefois : le Presto de la Sonate n° 18 est ridicule en raison de ses excès. À l'opposé, la Sonate « Clair de lune » est d'un ennui inexplicable. Son finale part en tous sens. Les accords ne sont pas nets dans la Sonate n° 21 (Waldstein) et la prise de son terne n'aide pas à la définition. Dans le finale, la main gauche est noyée dans la pédale. Il en va de même pour la Sonate n° 23 (Appassionata) dont le jeu est écrasé. Pourquoi tordre à ce point le rythme et faire preuve d'autant de nervosité ? La Sonate n° 26 (Les Adieux) devient quasi-expressionniste : Lifschitz « bat » littéralement le clavier.

À l'inverse, il minaude au début de la Sonate n° 29 (Hammerklavier) avant d'aplatir le toucher. À la nervosité du Scherzo succède un Adagio bien réalisé, tendu comme une arche. Dans le finale, la fugue s'étouffe progressivement. Conçue dans l'impulsion physique, la Sonate n° 31 maîtrise les incessantes variations, modulations, changements de rythmes. Malheureusement, l'Allegro molto revient à un jeu sec. Trop d'effets pour l'effet malgré un engagement qui force l'admiration.

La Sonate n° 32 est bien peu raffinée. Lifschitz ne semble pas avoir de vision globale de l'œuvre : il joue dans l'instant, le Maestoso étant plutôt moussorgskien que beethovénien ! De fait, le piano « claque » désagréablement dans les aigus. Les dynamiques se contractent systématiquement avec un son forcé alors que, l'Arietta avait bien débuté. Dommage.

(Visited 1 585 times, 1 visits today)