- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Jan Michiels confronte Bach et Busoni sur deux instruments : une expérience probante

En miroir. C'est ainsi que l'on peut décrire ce récital pour le moins original car présenté sur deux pianos différents. Le premier est un Bechstein de 1860, aux cordes parallèles, de la collection de Chris Maene, et le second un instrument récent de 2018, le Maene Straight Strung Chamber Music Concert Grand 250.

Les dix Préludes-chorals de Bach bénéficient du Bechstein de 1860, piano de la firme berlinoise, qui fut conçu six ans avant la naissance de Busoni. 1860, c'est aussi l'année où Liszt fit l'acquisition de son premier Bechstein, un événement qui représenta une formidable promotion pour la jeune entreprise. Ce qui frappe dans l'interprétation de , c'est la grande dynamique de l'instrument et l'équilibre des couleurs dans tous les registres. La stabilité s'allie également avec une grande précision dans les nuances. On s'habitue rapidement au son du Bechstein qui chante impeccablement dans les arrangements des Préludes-Chorals par Busoni. L'instrument met en valeur un certain art du chant « romantique ». La définition des registres est d'une grande clarté. a choisi des pièces qui offrent les variétés de jeux les plus divers, du legato au staccato. C'est un Bach métamorphosé non seulement par l'arrangement originel du compositeur italo-allemand, mais aussi parce qu'on a peu l'occasion d'entendre ces œuvres sur un piano aussi typé.

L'approche de sur le piano de Chris Maene n'est pas si différente. Le défi de jouer la Chaconne de la Partita pour violon en ré mineur est immense. Busoni s'appropria la partition sans en dénaturer l'origine, ouvrant la virtuosité de l'œuvre sur les possibilités polyphoniques du clavier. L'interprétation est compacte, sans digressions, claire et nerveuse à la fois, mais aussi profondément légère et subtile. Reprenant le Contrapunctus XIX de l'Art de la fugue, Busoni tenta de parachever l'œuvre de Bach, dans son immense Fantasia Contrappuntistica. Jan Michiels tire son interprétation vers le Liszt mystique des dernières partitions et de l'œuvre pour orgue. Quelques couleurs impressionnistes sont fort bien vues. La conception très libre est d'une grande élégance car là où Busoni épaissit à profusion la texture, le pianiste laisse respirer son toucher sans altérer la complexité de l'architecture. Du grand art ! Il est vrai que le piano aux cordes parallèles conçu par Chris Maene offre une longueur de son et une précision des nuances remarquable. 

Si d'aventure vous passez par Ruiselede, dans la région flamande de la Belgique, allez visiter le musée de pianos de Chris Maene. Plus de trois cents instruments y sont présentés dont des pièces très rares. Un enchantement !

(Visited 578 times, 1 visits today)