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Inspirations russes et française du pianiste Cyril Guillotin

Les trois œuvres interprétées par sont inspirées par le ballet, l'opéra et la peinture. Un joli récital placé sous le sceau d'une narration à travers le regard.

En 1978, Mikhail Pletnev enregistrait pour la firme soviétique Melodiya, sa propre suite de concert de Casse-Noisette. En sept extraits du ballet, il synthétisait les différentes ambiances de la chorégraphie. Depuis, un certain nombre d'autres pianistes interprètent cette partition techniquement et musicalement redoutable. Musicalement, en effet, car outre la vélocité et la précision du toucher nécessaires, il faut restituer l'illusion du ballet. Celle-ci joue tout autant du caractère des personnages que de la dimension symphonique et féerique d'une œuvre aussi bien liée à l'enfance qu'à l'humour des grandes personnes. Fascinante partition dont porte valeureusement l'énergie héroïque. Il nous offre un piano rutilant, chatoyant, « pianistique » au sens où son interprétation ne monte pas sur scène, mais stylise les pas comme dans la Danse chinoise. Les couleurs sont justes et précises, mais elles effleurent l'inventivité permise dans la Danse de la fée dragée et l'ivresse paysanne de Trepak.

La suite Les Visages de dont il s'agit du premier enregistrement mondial, se compose de trois mouvements. Elle s'inspire de la peinture des visages que l'on découvre dans l'Opéra chinois. L'œuvre débute par un choral, le « courageux » (peint en bleu) et qui n'utilise que les touches blanches du clavier. Le« héros » (en rouge) dont la structure repose sur l'intervalle de la quinte est d'une volubilité incessante. Le « rusé » (en blanc) parait le plus occidental des trois visages car bâti sur des éléments de la fugue. Dans cette pièce d'une dizaine de minutes, l'écriture est d'un lyrisme remarquablement travaillé. Pour notre part, nous y décernons des bribes de musiques françaises et américaines des années trente et quarante, teintées d'une atonalité employée à seule fin esthétique : une sorte d'étirement des dissonances. Des formules rythmiques brèves nous en rappellent d'autres, dans les sonates de Beethoven. Le classicisme est plus marqué encore dans le finale dont la narration abrupte nous évoque le souvenir des Préludes et Fugues de Chostakovitch.

Calmes, sereins, les Tableaux d'une exposition s'éclairent tempo moderato. joue avec beaucoup de talent, des silences, des harmoniques du Steinway dont la sonorité est, hélas, un peu courte et manque de personnalité. L'interprète entre progressivement dans le « théâtre » des peintures de Viktor Hartmann. Il joue un peu trop de l'immobilité (Il Vecchio Castello) et modère les élans des Tuileries. Celles-ci sont plus proches de l'esprit de Tchaïkovski (grand amateur de la vie parisienne !) que de Moussorgski. Bydlo possède une belle tension, de même que le Ballet des poussins dans leur coque, judicieusement interrogatif. Sobre, Samuel Goldenberg et Schmuyle est bien ainsi. Un peu linéaire, le Marché de Limoges offre toutefois une remarquable liaison avec Catacombes. La tenue des dynamiques, le liant de Baba-Yaga, et la cohérence du finale sont impeccables. Une belle version.

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