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Les ballades pour voix et piano de Stanisław Moniuszko

Le label Agencja Koncertowa Pawlik Relations publie le quatrième volet de l'intégrale des mélodies de Moniuszko, renfermant la totalité de ses sept ballades pour voix et piano. Ce projet entrepris par la pianiste réunit autour d'elle la fine fleur des jeunes chanteurs polonais.

composa en tout huit ballades dont sept pour voix et piano et une – Madame Twardowski –, non enregistrée ici, pour orchestre symphonique, chœur et trois solistes. Au lieu de concevoir celles avec piano comme un cycle, il les intégra dans ses Recueils de mélodies pour chant et piano n° 1, 2, 6 et 12, publiés respectivement en 1844,1845-1846, 1859 et, à titre posthume, en 1910. En Pologne, ces recueils sont intitulés Śpiewniki domowe, ce qui signifie littéralement « chansonniers domestiques » ou encore « recueils de mélodies pour la maison ». Si nous ne savons pas si Moniuszko lui-même employa le terme de « ballades » pour désigner ces pages, nous pouvons constater, en revanche, que cette terminologie figure dans le catalogue de ses œuvres établi par Erwin Nowaczyk, édité en 1954.

En tant que genre musical, les ballades de  prennent comme modèle leur équivalent littéraire : la ballade romantique s'inspirant du folklore, popularisée au Royaume de Pologne par Adam Mickiewicz. De celui-ci, Moniuszko adopta cinq ballades pour ses propres compositions. Dans la littérature polonaise comme chez Moniuszko, la ballade romantique se teinte volontiers de fantastique voire d'horreur.

élabore ses premières ballades dans les années 1840 à Vilnius. Elles sont pénétrées de la veine lyrique autant que de l'esprit Sturm und Drang, perceptible dans des climax dramatiques, frénétiques et passionnés. Du point de vue formel, elles sont d'une construction irrégulière et non conventionnelle, voire expérimentale, tant pour les parties vocales que pour celles de piano. Favorisant une structure rhapsodique, Moniuszko y utilise des techniques diversifiées associant une écriture strophique variée (avec des modifications de la mélodie à chaque nouvelle stance) à une composition continue (durchkomponiert).

Au niveau de la terminologie, pour distinguer ces ballades des autres mélodies de Moniuszko, il convient de souligner leur caractère syncrétique : une voix soliste y interprète des textes combinant des fragments narratifs (exprimés à la troisième personne du singulier) et les déclarations de divers personnages participants de l'intrigue (à la première personne), formant parfois des dialogues. Le Prince Magnus et Trolla est la seule ballade pour laquelle nous avons, sur ce disque, une répartition des rôles entre les deux protagonistes (masculin versus féminin), mais ce n'est pas le cas dans toutes les exécutions de cette œuvre.

Le piano ne s'y voit pas réduit au simple rôle d'accompagnateur, mais demeure, au contraire, un témoin important des événements évoqués dans les textes chantés, qu'il commente d'une manière suggestive, parfois même expressionniste, notamment au moment où il imite le bruit de l'eau qui mousse ou le sifflement du vent, ou encore lorsqu'il joue des effets onomatopéiques.

La pianiste est la première interprète qui réunit toutes les ballades pour voix et piano de Moniuszko sur un disque. Sa prestation se caractérise par la souplesse des phrasés comme par la rondeur du toucher, impressionnant par la beauté du ton et un large éventail des nuances, jusque dans les fortissimi denses et charnus jamais dénaturés dans les moments d'agitation. La dextérité ainsi que la précision rythmique et gestuelle rendent sa lecture aussi riche en détails que fraîche et naturelle. Sa capacité à écouter les solistes, son oreille raffinée, lui permettent de contribuer à rendre le fil narratif cohérent et captivant.

Parmi les chanteurs, nous saluons particulièrement les femmes. est dotée d'un mezzo-soprano sombre, crémeux et expressif dans le bon sens du terme. possède, à son tour, un mezzo-soprano qui, sans être moins éloquent, séduit par sa consistance dans les graves, sa souplesse, de même que son timbre doux et chaleureux. Quant à la soprano , elle magnifie sa prestation avec une voix légère et fruitée, quoiqu'un peu étriquée à l'extrémité de sa tessiture dans les aigus. Pour les hommes, citons le baryton-basse  dont nous apprécions la voix veloutée dans les aigus, profonde dans les graves, expressive dans les climax et un brin théâtrale dans les passages lyriques.

Voici un disque qui ne devrait pas passer inaperçu, nous permettant de découvrir un répertoire rare et pourtant d'une beauté suprême. La prise de son est, malgré quelques saturations, satisfaisante.

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