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Evgeni Koroliov à la recherche du silence dans la musique de Chopin

Pour son nouveau disque, nous fait savourer les silences dans la musique de Chopin, quil interprète avec beaucoup de clarté et de poésie. Cest un voyage sentimental au temps de son enfance, quand il découvrit et s'éprit de ces partitions.

On peut reprocher au jeu de Koroliov, un certain statisme, voire un manque de spontanéité et de fraîcheur. Tout est ici parfaitement maîtrisé et mesuré. La virtuosité n'est pas au rendez-vous, même dans l'exécution de l'Étude op. 25 n° 2. Sous ses doigts, les nocturnes paraissent une invitation à la méditation et à la réflexion. C'est l'inverse de ce que nous offre Fazil Say, dont les attaques sont directes, et le toucher, parfois déchaîné, est plein de fougue.

Voici un Chopin des plus intimes. « Des canons sous des fleurs », dirait-on, en empruntant la formule de  évoquant les mazurkas de son confrère polonais. Koroliov caresse ces œuvres avec une sonorité décantée, raffinée, aussi immatérielle que tangible, et travaillée dans les moindres détails. La palette des nuances piano se décline à l'infini, et dans tous les tons.

Dans la Valse op. 64 n° 2, nous retenons les pauses et les suspensions, jamais dénuées de signification. Le mouvement met en évidence un doux balancement des phrasés dont la cohérence est soulignée par la quasi régularité de la pulsation. Par sa limpidité apollinienne, celle d'un clair de lune, cette lecture se rapproche de la prestation donnée par – notre idéal interprétatif de cette page – le pianiste dont Koroliov s'inspirait lorsqu'il était élève.

Le Nocturne op. 62 n° 1 semble d'une délicatesse extrême, à la fois féerique (légèreté des trilles) et onirique (nous voyageons quelque part dans l'au-delà, plongés dans une profonde rêverie). À l'inverse, le Nocturne op. posth. 72 n° 1 nous ramène sur terre, s'avérant de bout en bout charmant, mais dépourvu d'intensité mise en avant par .

La Mazurka op. 33 n° 4 est baignée par la tiède lumière du bonheur et de la tranquillité, dont la suavité ne sera même pas perturbée dans les accords marquant les climax. Ce jeu d' est si pur et tant dans l'esprit de Chopin, qu'il nous fait penser au destin du compositeur et à ses états d'âme. Que l'élégance désolée du Nocturne op. 37 n° 1 et l'éloquence rhétorique du Nocturne « Lento con gran espressione » nous rappellent que son esprit, loin de sa patrie, fut plein de nostalgie et de désespoir. Le discours proposé par Koroliov nous transporte dans une autre dimension.

Voici un album qui devrait être remarqué dans la discographie des œuvres de , rendant justice à leur côté poétique.

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