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Le décevant récital de Virgil Boutellis-Taft

Curieux disque en vérité ! Accompagné d'un important battage publicitaire volontiers hyperbolique, il déçoit presque d'un bout à l'autre. Non seulement par son caractère hétérogène (après tout, ce peut être le lot d'un récital) mais surtout par le choix d'arrangements douteux.

Le Kol nidrei de Bruch est une pièce d'une grande émotion écrite pour violoncelle et orchestre et adaptée à la voix grave de l'instrument. Transcrite pour violon et mutilée de sa partie centrale, dont M. Boutellis-Taft juge que sa « base mélodique n'a aucun lien avec la source hébraïque », l'œuvre y perd son intensité orante et se réduit à une romance banale qui fait regretter l'original. Même chose pour la Danse macabre, chef-d'œuvre de Saint-Saëns, sans doute l'un des plus fabuleux maîtres de l'orchestre de tous les temps. Cette fois, l'enregistrement utilise une « nouvelle orchestration, beaucoup plus incisive et mordante, signée » (sic). Regrets pour , mais sa version n'a ni l'inventivité, ni l'esprit de l'original ; quant à la prestation de , elle s'avère bien pâle, alors même que cette version devrait le mettre en valeur. Et passons sur le texte présentation qui décrit l'œuvre comme un « tube en forme d'os » (re-sic !). La Chaconne de Vitali est présentée dans une orchestration ronflante et anachronique non précisée mais qui tire la partition vers une musique de film (on pense plus à Corigliano qu'à Vitali). De même pour le « Nigun » de Baal Shem, déclamatoire à l'excès et grevé par un orchestre emphatique.

Sans surprise, le meilleur de cet album peu convaincant réside dans la Sérénade mélancolique de Tchaïkovski et le Poème de Chausson qui échappent aux réorchestrations qui défigurent le reste. Néanmoins, dans ces deux partitions, ce nouvel enregistrement ne s'impose pas non plus, car il montre une approche plutôt conventionnelle, sans que ni la chaleur du timbre, ni la maîtrise technique, voire parfois la justesse du soliste, ne soient à la hauteur.

Retour donc à Julia Fischer, Heifetz, Kremer, Menuhin, Oistrakh, Perlman ou Vengerov pour Tchaïkovski, Neveu, Menuhin ou Perlman pour Chausson. Quant au sirupeux thème tiré du film In the Mood for Love, on se demande ce qu'il vient faire en conclusion de ce disque.

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