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Clément Geoffroy et Loris Barrucand retranscrivent Rebel et Boismortier

Voici ré-écrites pour deux clavecins des pièces façonnées originellement pour orchestre (Les Elémens de Rebel), pour un clavecin (Les Caractères de la danse, de Rebel), ou même des suites d'opéras (Ulysse de Rebel, Daphnis et Chloé de Bodin de Boismortier). Ce travail était-il nécessaire ? Dans un souci de fidélité historique strict, non, puisque les auteurs ne les ont pas écrites pour deux clavecins. Mais le plaisir à les entendre est tel qu'il faut répondre « oui » et rejeter toute réserve. « Tous les succès sont légitimes ! ».

C'est le projet de deux amis, né de différentes circonstances, entre autres celle d'un spectacle avec Hervé Niquet pour l'anniversaire de la naissance de en 2016, mais surtout d'un compagnonnage artistique de plus de dix ans. Retranscrire au XXIᵉ siècle pour deux instruments des pièces qui n'ont pas été écrites telles quelles n'a rien de choquant : c'est une liberté qui a elle-même une légitimité historique. D'autant plus que les clavecins en question sont parfaitement authentiques : un Ruckers de 1628 mis au goût français en 1706 et un Blanchet de 1736, typiques des clavecins qu'on trouvait – nous dit-on – à Versailles sous Louis XV. Leur sonorité brillante et argentée est un ravissement, avec des graves ronronnant de bonheur et des aigus cristallins d'une pureté céleste. Jouer à quatre mains sur deux instruments atténue le défaut inhérent au clavecin de manquer de volume sonore et de possibilité de nuancer, en jouant sur les silences de l'un ou de l'autre, et sur le choix des registrations.

et  apportent ainsi des finesses harmoniques et des nuances discrètement dosées qui développent la beauté de chaque pièce, et inventent des dialogues charmants (les rigaudons de Daphnis et Chloé, par exemple). S'ils lâchent toute leur énergie pour décrire le Chaos (Les Elémens de Rebel) au point d'atteindre une violence quasi-sismique, le Ramage qui s'ensuit lui fait contraste avec une légèreté et une subtilité ineffables. Toutes les danses sont jouées avec grâce, alacrité, et font un ensemble à la fois varié et homogène qui s'écoute avec un plaisir inextinguible. Fraîcheur, saveurs, pétillance… jamais l'analogie entre le clavecin et le champagne n'a été aussi pertinente. L'ivresse de passe-pieds, de musettes et de chaconnes est délicieuse, et on peut s'y adonner sans modération, sauf… le danger d'addiction.

Aurons-nous un jour des Duphly, des Daquin, ou des Dandrieu traités comme ça ? Ou même des Rameau ? Nous les attendons avec gourmandise, et si possible, avec une présentation des œuvres un peu mieux documentée.

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