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Les sept dernières paroles du Christ en croix par le Mantangi Quartet

Le quatuor néerlandais Matangi s’est fait depuis vingt ans une réputation de rigueur de style mais aussi d’ouverture d’esprit, en entretenant un répertoire résolument classique avec de fréquentes incursions vers le jazz ou le cabaret. Le voici qui s’attaque à un sommet de la littérature pour quatuor à cordes, avec une interprétation astringente mais intrinsèquement fidèle du chef d’œuvre de Haydn.

Impossible d’aborder une œuvre pareille sans prendre en compte sa charge religieuse et spirituelle, puisqu’il s’agit à l’origine d’une série de sept petits trios pour orchestre à cordes mis en chapelet, chacun faisant écho à des méditations cultuelles sur chacune des dernières paroles du Christ en croix. Dès l’année suivant sa création à Cadix, donc en 1787, Haydn en a écrit une version pour quatuor à cordes, autonome de la prédication, où chaque trio – ou mouvement – devenait en soi-même un commentaire exégétique à part entière de la parole concernée.

Le quatuor Matangi a parfaitement intégré cette exigence de sens, et propose une vision très concentrée sur les extraits du texte des évangiles. Point d’hédonisme sonore : le timbre des cordes est un peu métallique, parfois tranchant, et même râpeux dans certains pianissimi. Mais cette sonorité, alliée à des respirations très bien dosées, contribue à tirer vers la lumière les clairs-obscurs de la partition. Les tempi sont justes, ni stressés ni alanguis. Les nuances sont subtiles ou contrastées selon le propos. La ligne manque parfois d’un soupçon de souplesse, mais elle est tendue d’un bout à l’autre et maintient l’âme en éveil. Cette rigueur janséniste, ce refus de dissoudre le propos dans l’esthétisme amène spontanément à une éclosion de sens. La pitié de « Père, pardonne-leur… », la tendresse de « Femme, voici ton fils », l’attente d’abord confiante puis angoissée de « J’ai soif » deviennent évidentes et invitent à l’introspection, ce qui restitue pleinement à l’œuvre sa vocation originelle et sa dimension humaine universelle. Quant au Terremoto final, décrivant les manifestations de la terre et du rideau du Temple au dernier soupir du Christ, il prend ici la valeur d’une prolepse de l’Apocalypse.

Malgré quelques imperfections sonores – ou peut-être même grâce à elles – le quatuor Matangi nous donne une version intense et lumineuse, d’une grande authenticité d’esprit, méditative et ascétique, sans dolorisme ni désespoir. Il renouvelle notre écoute et se positionne dans le plus haut niveau d’une discographie pourtant abondante et prestigieuse. Dommage que le livret d’accompagnement prenne peu de soin à présenter cette œuvre d’exception.

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