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Magnifique version de relève du Jephté de Montéclair par Vashegyi

Pris au détour d'un concert public à Budapest, voici la version de 1737, la plus aboutie et la plus inspirée des trois publiées par pour son opéra Jephté. Grâce à l'énergie de György Vashegy, l'œuvre atteint la dimension dramatique des grands opéras du répertoire.

Écrite et reprise sur plus de quinze ans, créée en 1732 (malgré les tracasseries de l'Église…), l'œuvre eut un succès considérable et durable pendant trente ans. Montéclair, en instrumentiste d'orchestre chevronné, savait ce qui plaisait au public : moments héroïques et sentimentaux en alternance, interventions surnaturelles, ballets et divertissements bucoliques bien dosés, tous les ingrédients du succès ont été rassemblés. Impressionné, Rameau – avec le même abbé Pellegrin comme librettiste – reprendra la même recette pour son Hippolyte et Aricie de 1733. Si Rameau se souvient de Montéclair, on retrouve aussi chez Montéclair des échos de Campra. Mais, même en conformité avec le goût de son temps, Montéclair est avant tout un compositeur original d'une noblesse et d'une distinction remarquables.

En 1992, William Christie avait enregistré la version princeps de 1732, avec des chanteurs impeccables, mais dans une ambiance intime plus proche de l'oratorio que de l'opéra. Ce nouveau disque s'oppose complètement au précédent. D'abord, c'est la version ultime de 1737 qui est proposée, plus équilibrée, plus concentrée sur le drame familial. Ensuite, ne nous emmène pas à la chapelle mais au théâtre. Ses nuances et ses tempi sont parfaitement dosés pour irriguer de sang frais le drame, dresser des tableaux saisissants, et donner aux danses une pulsation irrésistible. On tremble à l'ouverture des eaux du Jourdain, on admire Jephté, on se désole pour Iphise et on suspend son souffle lors des apparitions célestes. L'arc du drame vivant est bien tendu, et la corde vibre du début à la fin.

Le et l', très exacts et très stylés, éclatent de santé et la prise de son adroite valorise la beauté de leurs couleurs. La distribution est de haut niveau, et dans un excellent français. au sommet de ses moyens incarne un Jephté superlatif, mâle et martial, touchant dans ses actes de foi et dans ses déchirements moraux, atteignant parfois une dimension presque prophétique. On ne sait quoi louer le plus, entre la perfection de la diction, la beauté du timbre et l'homogénéité des registres. Thomas Dolié donne au prêtre Phinée des couleurs plus sombres, mais aussi un vibrato moins bien tenu. L'excellente apporte à Iphise (fille de Jephté) sa jeunesse, son charme délicieux, et rend très émouvants les émois amoureux de l'héroïne comme son consentement au sacrifice. dans le rôle d'Almasie chante avec ses tripes et traduit avec justesse les affres de la mère déchirée, voire révoltée. (Ammon) est impeccable, et tout le reste de la distribution est à l'avenant.

Encore une très belle gravure que nous devons à l'excellent , dont l'affinité élective pour la musique du XVIIIe siècle français n'est plus à démontrer. Sans renier les atouts de la version de William Christie, cet enregistrement vient la compléter et certainement, la dépasse.

 

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