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Splendides Suites Anglaises de Bach par Paolo Zanzu au clavecin

On savait que le chef d'orchestre  maîtrisait le clavecin, après les très belles Suites de Haendel qu'il a gravées en 2017. Voici qu'il commence à enregistrer Bach avec des Suites anglaises brillantes et inspirées, et qu'il se hisse d'emblée à côté des plus grands interprètes.

Les Suites anglaises n'ont d'anglais que le nom, ou peut-être leur dédicataire. Il vaudrait mieux les appeler « Suites françaises pour les Anglais », puisque leur structure de base est bien celle de la suite à la française, avec la série traditionnelle des danses : allemande, courante, sarabande, gavotte/bourrée/menuet, et gigue finale. Mais de cette forme déjà surannée en 1720, Bach se sert avec une liberté étonnante, d'abord en y ajoutant des préludes dont certains prennent plus d'importance que les danses qui le suivent, ensuite en se laissant aller à de telles constructions contrapuntiques que la danse de base s'en trouve subvertie, au risque de devenir méconnaissable. Le défi pour l'interprète est donc de faire ressortir en permanence le caractère dansant de chaque pièce, tout en magnifiant la subtilité et la puissance de leur développement d'écriture.

triomphe largement de cette difficulté, et va plus loin, en réalisant la quadrature de tous les cercles. Son jeu est évidemment virtuose, mais d'une virtuosité à la fois énergique et tranquille, qui fait ressortir la profondeur subtile des pièces. Les préludes (qui ne sont pas des danses) partent d'un thème simple et leur développement libre devient parfois immense (Suites n° 3 et 6). Zanzu y donne la mesure de son talent en leur donnant progressivement des dimensions de toccata pour orgue, voire de concerto. Les danses sont et restent toujours bien troussées, avec une pulsation rythmique bien nette, mais qui n'empêche pas cette distillation progressive en poésie méditative. Les bourrées et musettes, tendres et gracieuses, sont parfaitement caractérisées et les gigues permettent des conclusions brillantes. Celle de la Suite n° 6 la termine par un véritable orage qui nous laisse étonnés par sa violence.

L'instrument lui-même, une magnifique copie d'un clavecin de l'école Silbermann, réalise l'équilibre parfait entre l‘éclat du métallique et la douceur du boisé, pouvant par le jeu des registrations simuler la cithare, la cornemuse ou même la clarinette. Les bourrées, les gavottes et passe pieds y gagnent une saveur presque impertinente, ce qui chez Bach, relève de l'exploit ! Les tempi sont parfois rêveurs, souvent rapides et rigoureux, mais souples, sans être métronomiques ni brouillés par des rubato intempestifs. Chaque pièce danse avec aisance, respire, et nous aspire peu à peu dans un bonheur céleste. La danse du corps devient danse de l'âme, et cette transmutation magique, Zanzu la crée tout au long des six suites.

Cela s'appelle, tout simplement, être touché par la grâce. La grâce n'est certes pas exclusive : le mélomane restera sensible à l'élégance de Pierre Hantaï, à la brillance de Christophe Rousset ou même à l'austérité de feu Kenneth Gilbert, mais il devra désormais tenir compte de la force sereine de .

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