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Marek Toporowski donne de l’inspiration au piano de Dussek

Dussek a suffisamment souffert dans l'ombre de Mozart, écrasé par l'immensité du génie de celui-ci pour que l'on écoute ces pièces avec une oreille neuve, d'autant plus volontiers que , manifestement, croit en leur qualité.

Le chef, organiste et claveciniste polonais a choisi un très beau piano-forte, copie d'un Anton Walter d'Eisenstadt, c'est-à-dire le facteur de piano de Mozart. Le timbre de l'instrument est très beau. Il en tire des sonorités fines, des nuances élégantes, et s'efforce avec de beaux phrasés de donner de l'esprit aux partitions. La traversée de la Sonate op.9 n° 1 ne nous emmène pas plus loin qu'un salon de cour, où l'on joue au pharaon en dégustant des sorbets. Sans doute la frivole Marie-Antoinette a apprécié cette musique décorative, qui a dû paraître brillante en son temps, mais nous n'y entendons rien qui lui donne un sens un peu profond.

Le changement d'ambiance est évidemment sensible avec l'ensemble des « Souffrances de la Reine de France », où on est en droit d'espérer un frémissement un peu romantique, sinon au moins romanesque. Dussek y décrit par petites gravures hagiographiques les étapes du martyre de Marie-Antoinette, et donne là le plus dramatique qu'il puisse donner, c'est-à-dire peu de chose. « La Reine est emprisonnée » puis « la Reine est séparée de ses enfants » semblent approcher d'un climat tragique, mais « la résignation » et « l'invocation au Tout-Puissant » ne décollent pas du stade de la petite élégie. Quant à l'apothéose, elle nous fait tomber dans une marche vigoureuse assez quelconque, ce qui trahit – une fois pour toute – l'absence de génie chez Dussek.

Pourtant, dans les Sonates n° 2 et n° 3 de l'opus 9, il se passe enfin quelque chose. Toporowski arrive à bousculer, dans l'Allegro con spirito de la n° 2, les limites de l'élégance et du bel air, et pose des questions auxquelles le larghetto con espressionne répond avec douceur et une vraie élévation d'esprit. Nous voilà finalement touchés, concernés par cette musique. De même, dans l'Alllegro maestoso de la n° 3, le pianiste s'affranchit du « joli-poli » pour s'envoler dans une belle courbe mélodique émaillée de frémissements, avant de revenir à l'énergie très conventionnelle du prestissimo final. Voilà un disque somme toute agréable, où Toporowski parvient à insuffler à Dussek quelques éclats d'inspiration.

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