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La reine Victoria danse au Northern Ballet

La chorégraphe met en scène la vie de la reine Victoria, à partir du journal rédigé par la souveraine. Créée pour le en 2019, cette production met en avant de manière sobre et sensible le destin de cette femme, montrée sous un jour intime et humain.

Peu de femmes dans le paysage chorégraphique contemporain se consacrent au ballet narratif de style néoclassique. en fait partie. Après Jane Eyre et Lady Chatterley, la chorégraphe britannique de 45 ans, met en scène le destin de la reine Victoria. C'est le succès de la série télévisuelle diffusée sur la BBC, qui a sans doute donné l'idée à David Nixon, directeur du de Leeds, de commander à un ballet sur ce thème. Réussite du genre, le ballet Victoria voit le jour en 2019, sur une musique du compositeur .

Prenant pour point de départ le journal de la reine lu par sa fille cadette Béatrice après le décès de sa mère, le ballet mêle habilement présent et passé, sans chercher l'exhaustivité ni la narration chronologique. La chorégraphe a sélectionné des événements clés du destin de la souveraine, à la fois personnels et politiques, comme l'épisode de la guerre de l'opium. Cathy Marston donne de la reine Victoria une vision moderne : femme de caractère et de pouvoir, qui refuse de laisser son époux la retrancher dans son rôle de mère (elle donnera naissance à 9 enfants !), Victoria est aussi une femme sensible et une amante passionnée, capable de transgresser les barrières sociales.

C'est au fil de la lecture du journal de Victoria par Béatrice, qu'est dévoilé progressivement un pan de la vie de la reine méconnu par sa fille, qui ne l'a connue que veuve (le décès d'Albert intervenant alors que la petite fille est âgée de 4 ans). Cathy Marston met la lumière sur la femme amoureuse illustrée par la liaison de Victoria avec John Brown, un ancien domestique de son mari, mais aussi par son amour pour son mari Albert. La chorégraphie donne lieu à de superbes duos, notamment celui entre Victoria et John Brown qui se termine tragiquement par l'assassinat de ce dernier. La coexistence sur scène de Béatrice jeune (Miki Akuta) et Béatrice âgée, incarnée avec une grande justesse par , permet de donner accès aux sentiments de la princesse, qui revit les événements de sa jeunesse et la frustration causée par la sévérité de sa mère à son égard. La douleur causée par la mort de son mari Liko est illustrée par un remarquable trio entre Béatrice jeune, Béatrice âgée et Liko. Ce n'est qu'à la fin de sa lecture des carnets que Béatrice parvient à se réconcilier avec la mémoire de sa mère, à la comprendre et à lui pardonner.

Résolument moderne, le décor donne un cadre sobre à l'histoire. La musique de Feeney refuse la description et confère une dimension parfois abstraite aux scènes. La chorégraphie trouve un juste équilibre entre duos, trios et scènes de groupe. Les costumes font alterner pertinemment références historiques et modernité, avec les jupes rouges vifs portées par les danseuses comme par les danseurs. La compagnie montre de belles qualités d'interprétation et une grande précision technique. Toutes les nuances du personnage de Victoria sont parfaitement rendues par la lumineuse .

Ce très beau ballet, qui devait tourner aux États-Unis avec le Ballet du Canada avant que l'épidémie du coronavirus ne reporte le projet à 2022, peut être vu grâce à cette captation DVD de mars 2019.

Crédits photographiques : © Emma Kauldhar

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