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Séduisantes versions de poche des symphonies n° 1 et n° 4 de Mahler

Quatre arrangements dont deux symphonies de Mahler nous sont proposés par le . Le résultat est d'autant plus intéressant que les interprétations sont de haute tenue.

Plusieurs arrangements de la Symphonie « Titan » ont vu le jour : pour piano seul, de Lühl-Dolgorukiy puis d'Okashiro, pour deux pianos de Bruno Walter et, enfin, pour instruments à vent. La nouvelle version de chambre proposée par Klaus Simon fait appel à seize solistes. Elle nous plonge dans l'univers du concerto grosso avec un instrumentarium judicieux. L'ajout de l'accordéon, par exemple, tire les couleurs vers une expression plus populaire sinon expressionniste. Rien de choquant à moins de considérer que l'apparition de la mandoline dans la Symphonie n° 7 le soit également ! La réduction de la nomenclature pouvait favoriser une certaine vulgarité – qui n'a rien de la « trivialité » pensée par Mahler avec les sonneries militaires, les danses de bal, les relents d'harmonies klezmer – ou, à l'opposé, une sécheresse du propos à force de décanter la matière sonore. Il n'en est rien. Le rubato idiomatique du premier violon (), la danse esquissée des cordes graves, les bois teintés wienisch, tout cet univers de kiosque de station thermale a bien du charme. L'oreille compense naturellement – comme dans la chanson Bruder Martin – l'absence de la masse sonore originelle. Le finale équilibre avec efficacité les tensions exacerbées (violon / piano / grosse-caisse). La prise de son chaleureuse et bien présente nous invite à demeurer dans cette illusion, loin de toute tentative de pastiche.

En complément de programme, propose son arrangement du lied Maiblumen blühten überall de Zemlinsky. À l'origine, ce sextuor avec voix, de 210 mesures et sur des paroles de Dehmel, est resté inachevé. La nouvelle version de ce drame (contrairement au sextuor La Nuit transfigurée de Schönberg inspiré par le même Dehmel, qui n'en est pas un) élague une part de la violence de l'écriture, en multipliant les digressions des vents, d'un accordéon et d'une petite percussion. Celles-ci distraient la concentration de la poétique par une narration trop appuyée – mahlérisée – qui paraphrase, mais avec talent, la partition initiale.

Alejandro Hernandez-Valdez et le New Orchestra of Washington (Acis) et Peter Manning avec le Royal Conservatoire of Scotland Chamber Ensemble (Nimbus) avaient déjà, en 2014, gravé la mouture de la Symphonie n° 4 réalisée par Klaus Simon. Elle remplace avantageusement l'arrangement que le musicologue viennois Erwin Stein réalisa en 1921. En fondant, en 1918, l'Association pour des représentations musicales privées, Schönberg fit appel à de jeunes compositeurs pour transcrire et arranger des œuvres contemporaines. Au début des années 2000, la version de Stein intéressa nombre d'ensembles soucieux d'élargir leur répertoire. Les quatorze musiciens de la version Simon sont mieux employés que ceux de la version Stein, trop concertante. Nous percevons davantage l'articulation de la polyphonie jusque dans les notes « fuyantes » de l'accordéon et sans une pulsation excessive par l'emploi du piano, notamment. Les crescendos du mouvement lent sont habilement restitués, les cordes de l'ensemble tenant les tensions du phrasé. Côté vocal, ne possède pas la voix la plus juvénile qui soit et s'avère peu précise quant à la diction.

La soliste est toutefois plus à l'aise dans les cinq lieder d', arrangés pour ensemble par . Schnabel fut aussi un remarquable compositeur dont l'écriture évolua considérablement après la Première Guerre mondiale. Ces deux opus de lieder appartiennent à la première manière du musicien. L'influence de Brahms et de Strauss est perceptible. Pourtant, la clarté si particulière des lignes mélodiques, le côté « Hausmusik » demeurent personnels. a préservé le lyrisme épuré de ces courtes pages qui empruntent aux poètes Dehmel, Novalis, George et Eichendorff. Une belle réussite.

 

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