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À la découverte d’Alfred Bruneau avec Cyrille Dubois et Jeff Cohen

Essentiellement composé d'œuvres données en première mondiale, ce programme de musique de chambre permettra de se faire une idée du talent d'un des compositeurs français les plus injustement oubliés. Interprétation magistrale de l'ensemble des participants, d'où se détachent le piano de et la voix de .

sera-t-il condamné éternellement à n'être que le compositeur ami et collaborateur de Zola ? Que les plusieurs opéras écrits par les deux hommes soient si peu entendus de nos jours reste un de ces mystères de la programmation lyrique. On espère que nos maisons d'opéra s'en empareront dans un avenir aussi proche que possible. Grâce soit donc rendue à et au label Salamandre pour la publication de ce double album consacré à la musique de chambre d'un musicien français injustement négligé. De fait, la totalité des œuvres figurant sur ce disque sont enregistrées en première mondiale, à l'exception de la mélodie « Soirée ». Le premier CD est consacré à deux cycles de mélodies, Chants antiques sur des poèmes d'André Chénier et En plein air sur des textes de , auxquels s'ajoutent deux mélodies sur des poèmes de Jean Richepin. Le deuxième CD démarre avec un mélodrame pour harpe, quatuor à cordes et récitant lequel, inspiré de la célèbre de la célèbre Nuit de Mai de Musset, donne son titre à l'album. Se succèdent ensuite quelques pièces pour divers instruments (violoncelle, cor, alto), dont un étonnant quatuor de clarinettes. L'album s'achève avec la réduction pour piano, dans la transcription du compositeur italien , du prélude de la comédie lyrique L'Enfant roi, ouvrage également écrit sur un livret d'Émile Zola. L'univers musical d', auquel nous introduit l'excellent texte de présentation de , semble se situer à la croisée des chemins entre Massenet, Hahn et Debussy. Le choix assez surprenant de la mise en musique des textes d'André Chénier rappelle cette Antiquité fantasmée, aux charmes érotiques discrets et quelque peu désuets, que l'on retrouve dans les Chansons de Bilitis de Debussy ou les Études latines de . Plein Air évoquerait davantage l'univers de Duparc, Chausson ou Fauré.

Pour la partie vocale du premier CD, la prestation du ténor est un pur enchantement. Dans des pièces où l'accompagnement pianistique est avant tout destiné à faire ressortir les mille nuances du texte – écriture instrumentale souvent réduite à des accords arpégés –, la diction impeccable du jeune chanteur permet de saisir chaque syllabe du texte verbal. Ce chant aux confins du murmure, qui sait aussi se rendre puissant quand il le faut et qui ne sombre à aucun moment dans la préciosité, propose en effet une infinie variété de couleurs et permet de susciter les émotions les plus subtiles. L'accompagnement de , d'un rare raffinement lui aussi, vise avant tout à souligner et à rehausser les affects véhiculés par le texte. La pièce maîtresse du deuxième CD reste le mélodrame La Nuit de Mai, dit avec conviction par , également responsable de la restitution musicologique d'un manuscrit encore inédit. Les morceaux qui complètent l'album sont peut-être moins essentiels. Ils ont en tout cas l'effet d'attiser notre curiosité. Qu'on nous rende, et vite, cette partie de notre patrimoine dont nous avons été si longtemps spoliés.

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