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Onze chefs pour le majestueux 40e anniversaire du label Orfeo

La juxtaposition des onze chefs d'orchestre réunis dans ce coffret est édifiante. Passant d'une bande à l'autre, de la radio de Bavière à la radio autrichienne ou d'archives d'orchestres, l'auditeur mesure à quel point les personnalités imposent, souvent génialement, leur conception personnelle.

Dans l'ouverture de Coriolan puis la Symphonie « Héroïque » de Beethoven, Hans Knappertsbuch dramatise le discours, puise l'énergie de chaque phrase dans des tempi modérés. Il tire toute la sève des cordes du Philharmonique de Vienne que l'on sent d'une concentration extrême faute, certainement, d'avoir beaucoup répété… Une version plus « instinctive » que celles de Berlin (1943) et de Brême (1951). On pardonne quelques imperfections dans la mise en place et la justesse de la Symphonie n° 4 de Beethoven sous la baguette de Carlo Kleiber. Malgré un son épais, le chef s'amuse des pulsations et dissonances, creuse les dialogues, marque des pauses théâtrales. Un concert réjouissant, complémentaire des gravures « pirates » extraites de tournées avec le RSO de Bavière, mais en-deçà du concert avec le Concertgebouw, en 1983. Des quatre versions de la Symphonie n° 3 de Brahms par Klemperer – ici avec le Symphonique de Vienne – on privilégiera celle en studio avec le Philharmonia (1957). En concert, la prise de son écrasée dessert une conception fluide et plutôt pastorale. Au même programme (!), la Symphonie n° 7 de Beethoven. Le choix est plus délicat en raison d'une dizaine de témoignages du chef. La prestation est plus « classique », la formation tenue avec rigueur. Plus marquante est l'approche de Barbirolli dans la Symphonie n° 2 de Brahms. La clarté chantante du RSO de Bavière éclaire une atmosphère rêveuse d'une finesse remarquable jusque dans les nuances pianissimi qui se souviennent, dans l'Allegretto, de la sérénade mozartienne. Chez Barbirolli, l'énergie est spontanée, magnifiée dans la Symphonie n° 6 de Vaughan Williams : une version enflammée, d'un dramatisme heurté et grandiose !

La Symphonie n° 4 de Bruckner par Furtwängler captée le 29 octobre 1951, à Munich, concurrence celle enregistrée, en tournée, quelques jours plutôt, le 22 octobre, à Stuttgart. Toutes deux ont bénéficié de nombreuses rééditions. Cette lecture avec le Philharmonique de Vienne est portée par un pupitre de cuivres chauffé à blanc et des bois qui s'en donnent à cœur joie. Les contrastes dynamiques et rythmiques extrêmes rappellent la version berlinoise de 1941. On en oublie l'indiscipline bruyante du public… La Symphonie n° 5 de Bruckner par l'Orchestre d'État de Bavière et Sawallisch bénéficie d'une captation magnifique, il est vrai, en studio. Cet enregistrement souvent salué est d'une expression à la fois passionnée et limpide. Deux versions de la Symphonie n° 5 de Prokofiev existent sous la baguette de Mitropoulos. Orfeo les possède à son catalogue et a choisi celle avec le RSO de Bavière, donnée en 1954, la même année que celle avec le Philharmonique de Vienne. Il faut être bien accroché au siège pour suivre des accélérations d'une violence extraordinaire : « ça passe ou ça casse ! » dans le prodigieux Allegro moderato.

On a peine à croire qu'il s'agisse d'une bande de 1952, tant la présence du Symphonique de Vienne sous la direction de Celibidache sidère dans les Préludes de Liszt. La respiration du chef traduit les « combats de la vie » qui, selon Liszt, irriguaient cette musique. Non moins remarquable, la Symphonie n° 1 de Brahms, au même concert, fait songer à Furtwängler par l'accumulation de tensions. Des cinq versions du chef roumain, ce Brahms rejoint la superbe et dernière lecture munichoise de 1987 (Warner). En 1960, dirige le RSO de Bavière dans la Symphonie n° 6 de Tchaïkovski. Quels climats ! Sa lecture joue des moindres respirations, sculpte les mélodies (l'Allegro con grazia ! ) plus encore que dans les deux gravures pour Deutsche Grammophon, successivement de 1953, avec le Philharmonique de Berlin puis le RSO de Berlin, en 1959. En 1973, deux ans après son intégrale des symphonies de Schubert à Berlin, grava la Symphonie n° 2 avec le RSO de Bavière. Dommage que la captation soit assez terne car l'interprétation est d'une belle élégance. Avec un legato que l'on oserait plus aujourd'hui, Böhm rattache ce jeune Schubert au dernier Mozart tout en pressentant Mendelssohn. De toutes les versions de Böhm dans une Vie de Héros de Strauss, dominent les témoignages de Dresde (1957) et de Vienne (1976) pour Deutsche Grammophon. Le présent concert manque de relief. Enfin, seule captation avec solistes, la Symphonie n° 9 de Beethoven est dirigée, en 1955, par . Le Symphonique de Vienne mène l'œuvre tambour-battant, le chef autrichien décantant la matière sonore comme il ne le fit plus par la suite. Excellente distribution, de surcroît.

Orfeo aurait pu extraire encore bien d'autres noms de son catalogue, à l'instar de Kubelik, Szell, Argenta, Jochum, Kempe etc.

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