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Festival de musique nordique, Helsinki 1921

Pour la première fois depuis le premier festival de musique nordique en 1888, Helsingfors (Helsinki) abrite en mai 1921 le quatrième du genre après Copenhague (1888, 1919) et Stockholm (1894).

La jeune République de Finlande établie en 1917, suite à la Révolution russe, devient le terrain d'une guerre civile l'année suivante et obtient la reconnaissance officielle de la Russie soviétique en 1920. Dans ce contexte, les organisateurs de l'événement font montre d'une réelle ambition artistique grâce à une programmation riche et diversifiée faisant la part belle aux plus importants compositeurs des pays nordiques. Les créateurs et les œuvres ainsi retenues traduisent le foisonnement artistique des pays du Norden, et mériteraient sans aucun doute de revivre, même brièvement, le temps de cette évocation, et pourquoi pas de susciter la curiosité et les remarquables découvertes qui en résulteraient. Le festival se déroule dans la capitale Helsinki (Helsingfors en suédois) du 20 au 28 mai 1921.

Le premier concert, consacré à des œuvres orchestrales, prévu le vendredi 20 mai 1921, revient exclusivement à sept maîtres finlandais de premier plan tous encore en activité à l'exception de assassiné en 1918 à la fin de la guerre civile :

Madetoja, Kajanus, Melartin et Sibelius dirigent tour à tour l'Orchestre de la ville d'Helsinki tandis que Kajanus conduit également les deux chœurs présents. Le pianiste renommé, soliste de l'œuvre de Palmgren, Ilmari Hannikainen (1902-1955), appartenait à une famille de musiciens fort célèbres en Finlande et en Europe.

Grâce à cette sélection habile, le concert proposait une plongée passionnante dans la musique orchestrale contemporaine finlandaise et une esquisse de son positionnement esthétique au début du XXe siècle. Le poème symphonique de Kajanus, par ailleurs chef d'orchestre remarquable, influença Sibelius et renforça son intérêt naissant pour l'épopée populaire finlandaise que constitue ce trésor national, le Kalevala. Les œuvres interprétées ce jour-là offrent pour Melartin, Palmgreen et Madetoja une occasion rare d'exposer leur art consommé du maniement orchestral sans beaucoup de points communs avec la musique si personnelle de Sibelius. Néanmoins, ces musiques sont très loin de démériter ; elles révèlent des univers musicaux parallèles incontournables.

Le samedi 21 mai, le deuxième concert célèbre la musique de chambre nordique :

Cette séance privilégie plusieurs pièces vocales de qualité mais aussi deux quatuors à cordes ; celui de Sibelius est entré dans la légende contrairement à l'œuvre du Suédois Ohlsson largement oublié. Le Trio du compatriote de Nielsen Lange-Müller révèle un créateur solide et apprécié de son vivant à Copenhague.

Le troisième concert, le second consacré à la musique orchestrale, le lundi 23 mai, met en avant quatre compositeurs danois classés parmi les plus saillants de leur patrie. Il est structuré comme suit :

L'orchestre de la ville d'Helsinki est dirigé par , , Frederik Schnedler-Petersen et . Le chœur Kansalliskuoro et un chœur d'enfants sont dirigés par Nielsen. Les solistes vocaux de la cantate de Nielsen sont Ingeborg Steffensen, Sylvie Schierbeck et Anders Brems. Tous jouissaient d'une excellente réputation à l'époque.

L'œuvre de Nielsen, une cantate déjà ancienne et fort célèbre au Danemark seulement, se distinguait des autres partitions, orchestrales beaucoup plus récentes, bien que la musique de Bendix, habilement construite dans un style postromantique délicat, datait de presque quatre décennies. occupait une place non négligeable dans le domaine symphonique avec sa solide connaissance de l'orchestre et une inspiration parfois intéressante comme le démontre cette Symphonie n° 5, sans doute la plus réussie du cycle qui en comprend six. Un autre collègue de Nielsen, , figurait au programme avec un poème symphonique qui connut une belle réputation à l'époque. Tous ces compositeurs se connaissaient et entretenaient souvent des relations amicales.

Quatrième concert (second concert de musique de chambre) le mardi 24 mai :

Liste des musiciens de grande renommée de ce concert : Leo Funtek (violon), Karl Ekman (piano), Anders Brems (chant), Joannes Stockmarr (piano), Julius Ruthström (violon), Carl Magnusson (violon), Frohwald Erdtel (alto), Carl Lindhe (violoncelle), Dagny Schjelderup (chant), Eyvind Alnes (piano), Zelminca Asplund (piano).

Une fois encore, la voix, tant appréciée dans les sociétés nordiques, domine. L'excellent compositeur suédois, , mériterait une plus large reconnaissance internationale avec sa série de neuf symphonies figurant parmi les plus précieuses de la production post-romantique suédoise. Son Quatuor à cordes op. 11 confirme l'intérêt de sa création, lui qui fut aussi passionné par le violoncelle pour lequel il laisse quelques musiques de premier choix. Son compatriote Andreas Hallén, influencé par l'art wagnérien, ne manque pas de panache et de fougue dans le registre orchestral. Son Quatuor op. 3 fait montre d'une plus grande sagesse.

Cinquième concert (troisième concert orchestral) le mercredi 25 mai :

L'Orchestre de la ville d'Helsinki est placé sous les directions de Johan Halvorsen, Sverre Jordan et Iver Holter. Les solistes sont Magda Blanc (récitante), Per Bolstad (violon), Dagny Schjelderup (chant).

Ce concert retient uniquement des musiques norvégiennes dues à ces créateurs vivants, en dehors du célèbre Svendsen, décédé depuis une dizaine d'années, dont plusieurs partitions conservent encore un bon accueil de la part des publics scandinaves. Pour les autres, leur réputation nationale est indéniable mais au-delà des frontières nationales, ils demeurent assez méconnus, mis à part sans doute Johan Halvorsen apprécié comme chef d'orchestre et compositeur de trois symphonies, de rhapsodies norvégiennes et de musiques de scène.

Sixième concert (troisième concert de musique de chambre) le jeudi 26 mai :

Avec le Quatuor Breuning-Bache (Gunna Breuning-Storm, Gerhard Rafn, Ella Fabber, Paulus Bache), et les solistes suivants : Greta Söderman (chant), Adolf Wiklund (piano), David Monrad Johansen (piano), Anders Brems (chant), Aino Mangström (harpe), Per Bolstad (violon), Waldemar Alme (piano), Hanna Granfelt (chant), Karl Ekman (piano), Leo Funtek (violon), Arthur Weiseman (violon), Leop Laurila (alto), Albin Öfverlund (violoncelle).

L'occasion de faire connaissance avec un tel échantillon vocal et de musique de chambre était rare assurément. Aujourd'hui, à l'écoute de ces musiques, on s'étonne agréablement de la qualité des pièces proposées à Helsinki en 1921 et l'on regrette naturellement leur quasi disparition des exécutions en concerts.

Septième concert (quatrième concert de musique orchestrale) le vendredi 27 mai :

Ce septième concert, très intéressant, était entièrement dévolu à la musique orchestrale suédoise sans qu'il la représente complètement. Stenhammar, le plus connu aujourd'hui, était présent avec son magnifique Concerto pour piano n°2, romantique certes, mais parfaitement maîtrisé et loin de tout pathos excessif. Il contient des pages sublimes. Moins présent de nos jours, Alfvén connaissait alors un réel succès international avec ses musiques et son talent de chef de chœur. Sa Symphonie n° 4 sous-titrée « De la limite de l'archipel » un peu longue mais non dénuée d'intérêt, est en partie redevable de la Symphonie n° 3 (1911) de avec l'intervention de deux voix solistes chantant sans paroles. Elle est inspirée par la fascination de la mer et l'amour d'un jeune couple. Wiklund et Natanael Berg ne sont pas restés aux programmes des concerts de notre époque contemporaine. C'est dommage car bon nombre de leurs partitions méritent largement d'être défendues comme le prouve l'écoute des enregistrements discographiques qui les sauvent heureusement de l'oubli total.

Le samedi 28 mai, huitième et dernier concert consacré à la musique de Jean Sibelius (1865-1957). Au programme : Symphonie n° 5 en mi bémol majeur op. 82. Il s'agit probablement de la troisième et dernière version de la symphonie (1919) présentée au public d'Helsinki le 24 novembre 1919 ; La Fille de Pohjola, fantaisie symphonique op. 49, donnée à Saint-Pétersbourg le 29 décembre 1906 ; Scènes historiques op. 66 (1912) ; Jordens sång (Chant de la Terre), cantate pour chœur mixte et orchestre op. 95, donnée en première en octobre 1919 à Turku.

En 1921, le compositeur nordique vivant le plus célèbre dans le monde entier était sans conteste Jean Sibelius, exposé ici par plusieurs partitions orchestrales très singulières avec leur langage si typique du créateur. Sa force et son inventivité dominent amplement les nombreuses productions, souvent remarquables, de ses contemporains de l'Europe du Nord. Le souffle puissant de la poétique et beethovénienne Symphonie n° 5 a dû subjuguer les auditeurs nordiques autant qu'elle fascine aujourd'hui encore les mélomanes. La Fantaisie symphonique constituait une remarquable illustration de la rencontre du maître avec l'épopée du Kalevala qui lui inspira tant de chefs-d'œuvre. Les Scènes historiques mettaient en valeur sa veine mélodique inépuisable et son talent de conteur d'atmosphères panthéistes et la cantate retenue, ses qualités de stimulant des événements politiques de son époque.

Crédits photographiques : La gare centrale d'Helsinki, œuvre d'Eliel Saarinen, est ornée d'impressionnants « porteurs de lampe » conçus par Emil Wiström © Gary Lawrence

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