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Par un festival complet, Rocamadour célèbre Vivaldi et Mozart

Malgré des difficultés d'organisation, le strict respect de mesures sanitaires contraignantes et une programmation en partie revisitée, le festival de musique sacrée de Rocamadour a maintenu contre vents et marées son édition 2020 qui était la quinzième.

Quinze ans, cela peut paraître jeune pour un festival, mais cette jeunesse est aussi celle de l'enthousiasme, de l'envie, de la passion et de l'engagement des bénévoles. Si le lieu est un des sites touristiques les plus visités de France, on est saisi par la somptuosité de l'affiche.

C'est ainsi qu'en deux semaines et quatorze concerts, doublés pour la plupart, afin de pallier les jauges réduites, des artistes et des ensembles comme l'Ensemble Matheus, les Arts Florissants, Anne Queffélec, l'Ensemble Climax, Anne Bertin-Hugault, Les Musiciens du Louvre, l'Ensemble Dulci Jubilo, ou Renaud Capuçon et Guillaume Bellom se sont succédés. Tous les concerts sans exception ont affiché complet.

Vivaldi au jardin

Samedi 22 août, en début de soirée, c'est dans les superbes jardins du château de La Treyne à Lacave, que se produisent Les Musiciens du Louvre en petite formation à dix cordes dirigées par l'archet affûté de Pablo Gutiérrez-Ruiz, dans un programme instrumental et de musique sacrée consacré à Vivaldi. Ce petit théâtre naturel autour d'un bassin entouré d'une haie de buis et de laurier forme l'auditorium.


Symphonie ou concerto pour cordes à sept violons et un continuo comportant un violoncelle, un théorbe et une contrebasse, le RV 157 en sol mineur crée une atmosphère intime d'une virtuosité violonistique certaine. Extraits du premier recueil de Vivaldi imprimé à Amsterdam, l'Estro Armonico, les Concertos pour deux violons en la mineur op. 3 n° 8 RV 522 et en ré majeur op. 3 n° 9 RV 230 développent des combinaisons inventives de toute beauté, mais aussi des audaces rythmiques et mélodiques, ainsi qu'un savant dosage de virtuosité, tension dramatique et profondeur de sentiment, particulièrement dans les mouvements lents Larghetto e spirituoso et Larghetto. Certaines phrases résonnent en écho naturel du fond du parc. Plus qu'une maîtrise absolue, Les Musiciens du Louvre, visiblement heureux de jouer à nouveau ensemble, font preuve d'aisance et de liberté dans les redoutables trilles vivaldiens.

La production de musique sacrée de Vivaldi est impressionnante en quantité comme en qualité, et il y a quelques tubes comme le Gloria RV 589 ou le Nisi Dominus RV 608 pour contralto, cordes et basse continue. Ce sont ces deux pièces (le Qui sedes ad dexteram patris du Gloria) qu'ont choisi d'interpréter Les Musiciens du Louvre avec la mezzo . Cette élève de Maryse Castets dans la classe de chant du conservatoire de Bordeaux développe une bonne projection et une diction très claire du texte latin, sans forcer les effets lyriques. Adaptant son chant naturel au lieu et à l'assemblée, elle se fond dans le caractère intimiste du Psaume 126 magnifié par Vivaldi. Alternant entre tempos vifs et lents, les neuf mouvements de ce psaume basé sur l'abandon à la Providence sont dominés par l'esthétique de concerto où la voix dialogue avec les instruments.

La nique à Colloredo

Le lendemain soir, et son Concert Spirituel investissent la basilique Saint-Sauveur de Rocamadour avec des œuvres rares de Mozart, à savoir deux messes brèves assorties de sonates d'église et de petites pièces des frères Haydn. Ils devaient initialement interpréter la Messe à huit chœurs d'Orazio Benevolo, mais restrictions sanitaires obligent, il a fallu réduire l'effectif et au point de vue logistique et acoustique, il semblerait difficile d'installer huit chœurs spatialisés dans l'espace ramassé de la basilique Saint-Sauveur. Avec la faconde qu'on lui connaît, évoque des souvenirs de jeunesse lorsqu'il chantait ces messes avec grand plaisir dans sa chorale en Picardie à l'âge de 12 ans.


En petit effectif à huit voix accompagnées par deux violons, un violoncelle, une contrebasse et un orgue positif, sonne idéalement dans l'acoustique ramassée de la basilique. Lorsque ces messes furent composées à Salzbourg par un Mozart âgé de dix-huit ans, celui-ci ne devait pas disposer d'un effectif plus développé, d'autant plus que son patron détesté, Hieronymus Colloredo, archevêque et seigneur de la cité, avait abandonné la lourde pompe salzbourgeoise et imposé que les messes célébrées et chantées avec les sections habituelles (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Benedictus, Agnus Dei) ne dépassent pas trois quarts d'heure. Contraint dans ce corset réducteur, qu'il dénonçait vivement, le jeune Mozart n'en a pas moins composé des petits bijoux dans lesquels tout son génie est déjà présent. Malgré l'archevêque pressé, Mozart caractérise chaque section, soulignant les articles de la foi dans les Credo, ponctuant les Sanctus de joyeux Hosanna et s'offrant le luxe de Benedictus attendris. On peut voir comme une petite vengeance de sa part de répéter une vingtaine de fois le Dona nobis pacem, qui conclut l'Agnus Dei de chacune des messes. Une formule pleine d'espérance pour notre plus grand bonheur.

Jamais à court d'idées, profite de l'impatience du prélat pour interpréter deux messes des 1774 dans le même concert, y adjoignant prélude, graduel, offertoire et motet de communion, comme une gourmandise de chercheur. C'est ainsi qu'avec deux sonates d'église de Wolfgang (KV 328 et 325), justement composées pour ces offices rapides, il nous gratifie du superbe et rarissime Ave Verum de , ainsi que d'un Adagio Hob. XVIII : 8, extrait d'un concerto pour orgue de Jospeh Haydn et du plus célèbre, mais toujours prenant Ave verum de Mozart, composé en 1791 pour le sanctuaire de Mariazell. Avec cette prestation de haut vol, inaugure une résidence de trois ans à Rocamadour.

Crédits photographiques : © Louis Nespoulous

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