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Rigoletto version Covid à Spolète

Pour ce Rigoletto, les chanteurs du Teatro Lirico Sperimentale di Spoleto mettent le Covid échec et mat.


Une lumière bleue accueille les spectateurs qui entrent dans le théâtre, seuls ou par deux, après avoir dûment décliné leurs noms, prénoms, adresses, numéro de carte d'identité et de téléphone à une jeune femme appliquée qui écrit tout ça sur une feuille de papier. Un fauteuil sur trois est occupé à l'orchestre et, dans les loges pas plus de deux personnes, si elles sont ensemble.

La scène, allongée pour couvrir la fosse d'orchestre, est ouverte. Pas de rideau de scène, mais un écran géant, au fond de la scène. Des chaises sur le devant et sur le côté gauche, attendent les musiciens, et un grand échiquier, un peu surélevé, est posé sur le sol. À l'arrière scène, derrière l'écran, des chaises pour les choristes qui resteront immobiles pendant tout le spectacle. Et derrière encore celles de la Banda, musiciens qui jouent la musique que les personnages entendent au cours de l'opéra, pendant la fête par exemple.

Sur l'écran sont projetées deux images d'archives en noir et blanc, l'une de et l'autre de Francesco Maria Piave avec, flottant au-dessus d'eux, un échiquier sur lequel les pièces sont en position de départ, blancs à gauche et noirs à droite. La partie s'annonce, l'enjeu est de taille : jouer Rigoletto en imposant aux personnages le mouvement de pièces d'échecs.

L'intention de la metteuse en scène Maria Rosaria Omaggio, très belle actrice engagée, célèbre en Italie (elle fit en 1985 la couverture de Playmen et a aussi joué le rôle d'Oriana Fallaci dans un film sur Lech Walesa), est donc de faire de ce Rigoletto une partie d'échecs : la tour noire (le duc de Mantoue) après avoir fait « manger » la reine blanche (Gilda) par le fou noir (Sparafucile), fait échec et mat au roi blanc (Rigoletto), remportant ainsi la partie. L'intention est bonne mais la réalisation ne fonctionne pas vraiment parce qu'elle ne correspond pas à l'histoire et qu'avec des chanteurs qui ne bougent presque pas, il est difficile de comprendre ce qui se passe. Les vidéos de Mino La Franca sont très abstraites, images de bâtiments, arbres morts etc, et n'aident en rien à la compréhension de l'intrigue. Les costumes noirs ou blancs de Clelia De Angelis créent un contraste qui accentue l'esprit binaire de la mise en scène, mais les personnages blancs sont parfois difficilement visibles sur le fond éclairé de l'écran.

La soprano , (lauréate 2019) a une belle voix cristalline, parfois peu précise mais puissante, pleine d'esprit et de vivacité. Sa Gilda confinée par les cases de l'échiquier fait un peu penser à la poupée des Contes d'Hoffmann, et le duc du ténor , à un fou empêtré dans une camisole de force. Seul , jeune baryton russo-ossète qui chante Rigoletto est vraiment convaincant. Malgré le carcan de la mise en scène, il réussit à exprimer les sentiments du personnage. On a pu l'entendre ces trois dernières années à Città della Pieve dans les productions de l'International Opera Theater of Philadelphia. La basse , souvent entendu à Preggio où il chantait Figaro en 2013, chante un superbe Sparafucile inquiétant et (lauréate 2019) une Maddalena très douce.

Le Teatro Lirico Sperimentale di Spoleto « A. Belli » di Spoleto, fondé en 1947 par Adriano Belli, avocat et musicologue, dans le but d'initier au métier d'opéra des jeunes dotés de qualités artistiques particulières qui, ayant terminé leurs études de chant, n'ont pas encore fait leurs débuts, a permis de faire éclore quelques très grands chanteurs comme Franco Corelli, Anita Cerquetti, Anna Moffo, Ruggero Raimondi,

Crédits photographiques : © Riccardo Spinella

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