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François Chaignaud fait revivre le Boléro de Nijinska

et explorent ensemble l'archéologie de la danse, en faisant renaître à la Philharmonie de Paris un Boléro de Ravel, tel qu'il fut créé en 1928 par .

L', dirigé par , introduit cette soirée consacrée à la musique de Ravel par Clinamen / Nodus d'. Si l'œuvre déconcerte de prime abord, la précision de l', dont seules les cordes et les percussions sont ici sollicitées, permet d'apprécier la richesse des nuances et des solutions sonores proposées par la compositrice. Clinamen / Nodus, composé en 1999 et 2000, est proposée pour la première fois en concert à Paris. Cette musique complexe est une introduction somme toute radicale à une soirée qui ne l'est pas moins, puisqu'elle s'achèvera par la première représentation d'une version ébouriffante du Boléro de Ravel, par un surprenant et chatoyant.

Avant ce feu d'artifice, le spectateur sera monté crescendo dans le répertoire pour orchestre de Ravel, à commencer par la Rapsodie espagnole, dont l'exécution commence par une délicatesse presque transparente du premier violon dans le Prélude à la nuit, avant de s'achever par une exceptionnelle intervention de la clarinette dans la Feria. La déflagration se poursuit avec l'interprétation de La Valse, complètement ivre, décadente, dans laquelle on entend le crépuscule de la Belle époque prête à s'évanouir dans les Années folles.

La Argentina réincarnée

Nous sommes alors prêts à aller encore plus loin en attendant , qui surgit et se hisse sur des praticables installés en hauteur derrière l'orchestre pour le Boléro. Torse nu, le bas de son corps est caché par des jupons de tulle multicolore superposés, réminiscence évanescente de la jupe aux multiples volants des danseuses espagnoles. Ports de bras, cambrés, zapateados aux pieds nus, tous les mouvements nous ramènent d'ailleurs à ces espagnolades dont s'était inspirée pour traduire en mouvement ce boléro. Plus halluciné que jamais, François Chaignaud incarne et ressuscite les grandes figures de cette danse, à commencer par La Argentina, danseuse et chorégraphe espagnole qui s'inscrit entre l'avant-garde des années 1920 et les expérimentations formelles de l'après-guerre.

Dans cette proposition à la structure peu lisible, et pour tout dire un peu foutraque, il est difficile de démêler ce qui est de l'ordre de la reconstitution historique, issue des longues heures de recherches menées par à la Bibliothèque du Congrès à Washington, à partir de notes de , et ce qui est de l'ordre de l'incarnation. reconnaît avoir voulu travailler à la fois sur l'émergence du mouvement, ce « presque rien » qui devient une forme chorégraphique, et sur la fluidité du genre, refusant la binarité masculin/féminin du boléro. En collaborant avec la chorégraphe, François Chaignaud a mis de lui-même dans ce personnage échevelé et sous acide, à la fois homme et femme. Son parcours à l'avant-scène au moment des saluts s'apparente d'ailleurs plus à celui d'une diva que d'un danseur, pour notre plus grand ébahissement.

Crédits photographiques : © Laurent Poleo Garnier

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