- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Jan Smeterlin chante la musique de Chopin

La filiale australienne d'Universal, Eloquence, nous restitue quelques enregistrements méconnus de . Sous ses doigts, la musique de Chopin gagne en poésie, spiritualité, profondeur et simplicité.

, pianiste polonais né le 7 février 1892 à Bielsko, fit sa première apparition publique à l'âge de sept ou huit ans, jouant un mouvement de l'un des concertos de Mozart. Malgré son talent, il abandonna sa formation une dizaine d'années plus tard, sous l'influence de sa famille, pour étudier le droit à Vienne. Mais grâce à une bourse, il y recommença à se perfectionner comme pianiste, sous l'œil de qui lui offrit des classes de maître.

fut un ami de , se faisant connaître particulièrement comme interprète des œuvres de ce dernier, qui lui dédia ses mazurkas, et de Chopin, même s'il avoua un jour que la sonate « Hammerklavier » de Beethoven et les Variations Goldberg de Bach étaient sa Bible musicale.

Aujourd'hui, c'est le label Eloquence qui publie une partie du legs discographique de Jan Smeterlin. L'album présente deux gravures réalisées pour Decca les 11 et 12 juin 1946 (l'Étude op. 25 n° 3 et la Mazurka op. 63 n° 3), un récital donné à la BBC de Londres le 17 avril 1949 (une sélection de mazurkas et deux ballades), ainsi que l'intégrale des nocturnes captés au studio en 1954. Dans les Nocturnes, le jeu de Smeterlin témoigne de son sens indubitable du cantabile, insufflant à ces pages une lueur de fraîcheur et de vitalité, malgré des maniérismes perceptibles quelquefois dans le choix des tempi. Voici un Chopin très raffiné et innocent, pur, profond et agité. Tantôt empreint d'une douce rêverie (l'immatérialité des trilles), tantôt vibrant d'émotion, presque toujours élégant, agrémenté d'une palette de nuances infinie et de multiples subtilités du dialogue entre la main gauche et la main droite, et surtout marqué par une grande sincérité d'expression.

Concernant le récital de 1949, Jan Smeterlin subjugue – dans les Mazurkas – tant par la tendresse que par la chaleur. Proposées dans un mouvement apparemment désordonné, ces pages s'imprègnent d'innombrables ambiances, passant du bonheur à la mélancolie. Chopin fut le maître de l'improvisation, et Smeterlin le démontre comme peu de pianistes. Son instrument sait raconter des histoires et chanter à l'instar d'une vraie voix humaine. Pareillement pour les Ballades, mais ici, dans l'opus 52, il s'exprime dans un élan passionné, fervent, voire par instants orageux. Puis, dans l'opus 23, il s'élève à une grandeur tragique, associant intensité et poésie. Ainsi, le discours devient, par moments, un délicieux chant d'amour, afin de s'enflammer dans le climax final, pour lequel – cependant – un peu plus de rigueur rythmique aurait été bienvenu.

Pour l'Étude op. 25 n° 3, l'interprétation de Jan Smeterlin est radieuse et mélodieuse, au rendez-vous de l'éloquence et d'un large éventail de couleurs, et ce, en dépit d'une certaine « sècheresse » (à ne pas confondre avec la dureté) du toucher, due notamment à l'usage relativement restreint de la pédale et à la prise de son.

On attend avec impatience la suite des enregistrements signés Smeterlin. Ceux-ci sont superbement repiqués par Andrew Halifax (le récital de la BBC) et (gravures Decca). Quelles surprises nous réserve encore Eloquence ? Un peu de Szymanowski peut-être ?

(Visited 798 times, 1 visits today)