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L’Ensemble Huelgas explore les polyphonies oubliées à travers les siècles

L'album témoigne de la volonté de Huelgas d'offrir au public des expériences sonores inédites à travers dix siècles de polyphonie vocale. Cette captation de plusieurs concerts donnés par l'ensemble lors de la première édition de leur festival, qui s'est tenu à Talant (Bourgogne) en juin 2019, bénéficie de l'acoustique exceptionnelle de l'église romane Notre-Dame et fait la part belle aux compositeurs oubliés.

C'est à un véritable voyage à travers le temps que nous invitent et ses chanteurs. Si la Renaissance est la période qui vit l'apogée de la polyphonie, le programme fait ici des incursions dans des époques plus anciennes ou plus récentes, jusqu'à Bruckner et même une pièce contemporaine. On pourrait s'étonner que cette alternance ne suive pas un ordre chronologique et cherche à dérouter l'auditeur d'un siècle à l'autre. Mais c'est ainsi manifester de l'aspect intemporel de l'art de la polyphonie, et le résultat est très convaincant. Le point commun à toutes ces musiques est l'extraordinaire complexité de l'écriture, et Huelgas nous prouve que la beauté formelle ne s'oppose en rien à l'expressivité.

Depuis près de cinquante ans, l'ensemble belge est une référence en matière de polyphonie vocale. L'absolue justesse, la fusion des voix, la précision des attaques et la variété des couleurs en font un merveilleux instrument. Alors qu'on aurait pu craindre que ces musiques très savantes ne soient quelque peu arides, la qualité des voix et le sens de l'expressivité du chef nous ouvrent un monde d'une sensibilité rare. Dès la première pièce, un Rondeau à 3 d', nous sommes entraînés dans une atmosphère élégiaque qui va bien au-delà de l'écriture en imitation. Avec , nous avons quelques exemples de ce que la Renaissance a produit de plus élevé dans l'art de la polyphonie franco-flamande. Autre sommet d'expressivité, la chanson « Que null'étoile sur nous » de Claude Lejeune. Le programme n'exclut pas quelques chansons grivoises bienvenues, comme le rondeau « Ce qu'on fait à Catimini » de Gilles Joye. Le festival de Talant se veut aussi lieu d'expérimentation. Nous en avons ici deux exemples : un Agnus Dei de Dujardin où les chanteurs adoptent un placement du texte différent pour chacun, et un Tota pulcra es de Maessens où les voix supérieures sont dispersées dans la nef au milieu du public, effet difficile à rendre à l'enregistrement mais convaincant malgré tout.

Les douze chanteurs de Huelgas se révèlent tout au long de ces trois disques de véritables enchanteurs.

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