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Le goût des mots chez Frédéric Pattar

Cet album monographique de consacre plusieurs années de résidence auprès de l' de Sébastien Boin. Les quatre pièces du compositeur puisent à la source poétique et font appel aux couleurs instrumentales atypiques de l'ensemble.

Le texte est sous-jacent, celui d'Allen Ginsberg, dans Mind Breaths reprenant le titre du recueil poétique de l'Américain. Pattar y forge une matière aux dimensions plastiques traversée par l'électricité : la guitare électrique et le Fender Rhodes (clavier électrique) épaulés par l'accordéon dont les fréquences aigües rejoignent celles de l'électronique. L'oreille est captivée par la vitalité du geste et la discontinuité du flux dans ce road-movie (sans les images), évoquant la technique du montage électroacoustique. La temporalité change et l'espace de résonance aussi dans une seconde partie où le cymbalum () fait une entrée quasi théâtrale dans les dernières minutes de la pièce.

Dans Peephole Metaphysics, qui donne son titre à l'album, les textes, chantés cette fois, sont de Lisa Samuels et . La mezzo-soprano est « assistée » par un petit chœur de voix, celles des instrumentistes tout terrain de l', au sein d'une écriture instrumentale complice qui confère au mot et à la voix une épaisseur et une résonance. La pièce adopte le découpage en cinq séquences de deux minutes des Alla Breve/ Création mondiale de France Musique. Théâtral également est le début de Sangre pour cinq instrumentistes qui donnent de la voix dans Silencio, la première des cinq parties de l'œuvre. Le texte de Federico García Lorca est confié au baryton-basse dont la voix tendue et invoquante s'inscrit en valeurs longues sur la partie instrumentale. Les fluctuations microtonales de la guitare et du clavier électrique croisent les inflexions modales du chanteur tandis que le chœur fantomatique répercute le texte de Lorca (las hierbas). L'effet guiro sur le clavier du piano et le trois temps obsessionnel qui s'installe dans Canción del jardinero immóvil sont quasi pessonniens (un hommage ?), tout comme l'écriture pointilliste et bruitée des instruments. En revanche, la voix off disant en français le Poème Extatique (« Dans les bois de cédrats de lune ») de García Lorca sous un solo de contrebasse dans la dernière partie est une trouvaille !

Au cœur d'une… convoque mandoline, guitare et harpe, noyau instrumental emblématique de l' augmenté des voix des trois instrumentistes parfaitement synchrones. Ils donnent une « lecture » aussi sensible que joueuse du poème de Verlaine Kaléidoscope sur les textures légères des cordes pincées qui suivent comme leur ombre les inflexions et rythmes des voix. Singulière et fine est cette manière qu'a de préserver le sens du texte tout en le faisant entrer dans le son.

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