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Méditations pour le Carême par Les Surprises

et son nous invitent à méditer sur la vie et la mort avec et , dans un programme d'une grande intensité expressive.

On doit à Brossard, immense collectionneur de partitions, d'avoir sauvé de l'oubli les Méditations pour le Carême de Charpentier, cycle de petits motets restés à l'état de manuscrit comme une grande partie de l'œuvre de ce compositeur. Il s'agit de dix miniatures d'un théâtre spirituel qui concentre tout ce que la piété baroque comprend d'affects, à l'imitation de ce qu'écrivait Carissimi, le maître de Charpentier à Rome. Inspirés par les scènes de la Passion du Christ, ces courts motets sont de deux sortes : méditations introspectives pour certains, ou véritables scènes de théâtre, chacune des voix d'homme tenant le rôle d'un des protagonistes du drame biblique. On pense, bien sûr, au célèbre Reniement de St Pierre du même compositeur, dont le motet Cum caenasset Jesus reprend les accents, avec ses pleurs amers. Outre l'extraordinaire richesse de sa bibliothèque musicale, fut aussi un compositeur fécond. On retrouve dans ses motets l'écho de son admiration pour l'œuvre de Charpentier. Dans le Salve Rex Christe, les deux voix de ténor s'entrecroisent en un admirable dialogue. Enfin, le motet O plenus irarum dies pour voix de basse seule décrit de façon très éloquente la colère divine à la fin des temps.

Les trois voix d'hommes de ce programme, à la fois homogènes et différenciées, illustrent parfaitement la diversité des affects en variant les couleurs et en jouant sur les contrastes d'écriture. La voix de ténor de Martin Candela est particulièrement bien ciselée lorsqu'il tient le rôle de Jésus dans les Méditations de Charpentier, qui sont comme une Passion en miniature. Le motet Tenebrae factae sunt se conclut par un silence poignant à l'instant de la mort du Christ. Quant à la voix de basse d'Étienne Bazola, déjà remarquée dans le disque que Les Surprises consacrait aux cantates de Buxtehude, elle nous offre une palette sonore variée dans le motet de Brossard qui ferme le programme. Son écriture figuraliste nous fait passer de la ferveur aux tourments eschatologiques dans le Turbata clade publica. Les trois continuistes, au sommet de leur art, soulignent avec sensibilité les sentiments évoqués par le texte. On appréciera particulièrement la musicalité de la basse de viole de , qui sait se faire élégiaque ou véhémente selon les moments.

Deux intermèdes instrumentaux ponctuent ce programme vocal dans le même registre des émotions : un prélude pour la viole du Premier livre de , et le très émouvant Tombeau que le luthiste dédiait à ses deux filles défuntes, sommet d'introspection douloureuse, joué au théorbe par Étienne Galletier.

Le programme de cet enregistrement, admirablement construit, nous apporte la preuve que Brossard a su se hisser à la hauteur de Charpentier qu'il admirait tant, et qu'il a comme lui pleinement assimilé l'héritage du style de l'oratorio italien dans sa musique sacrée.

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