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Le tambour de soie, un Nô moderne : le vieil homme et la danseuse

Dernière soirée avant le confinement au Théâtre de la Ville – Espace Cardin, où et présentaient Le tambour de soie, version contemporaine d'un Nô moderne de Mishima adapté par . Créé à la Maison de la culture d'Amiens en mars et reprise lors de la Semaine d'Art en Avignon fin octobre, c'est une rencontre émouvante entre un vieil homme et une danseuse qui dit aussi beaucoup des relations d'aujourd'hui entre les générations.

Interprète mythique de , notamment dans le Mahabharata ou La Tempête, , 87 ans, danse pour la première fois dans cette adaptation d'une légendaire histoire du théâtre Nô, dont s'est inspiré en s'appuyant sur l'adaptation qu'en avait faite dans Le Tambourin de soie. Le spectacle raconte l'histoire d'un vieil homme, homme à tout faire dans un théâtre, qui admire la jeune danseuse qu'il voit répéter sur scène. Cruelle, la jeune femme tend à son admirateur un tambour de soie, en lui demandant d'accompagner sa danse. Mais aucun son n'est produit par l'instrument.

Au-delà d'un Nô, poétique et allégorique, cette histoire est d'abord celle des rencontres entre génération et prend une résonance particulière avec notre actualité. Des vieux qui souhaitent avoir encore le droit au désir, des jeunes qui manquent parfois de bienveillance et d'esprit de solidarité, c'est aussi ce que nous dit cette pièce poignante. Malgré sa portée universelle, elle semble aussi ancrée dans une société japonaise où les personnes âgées modestes sont souvent obligées d'accepter des emplois de service pour compenser leur faible retraite.

Le comédien est extraordinaire lorsqu'il danse, lentement. Chaque geste, chaque mouvement exécuté au ralenti permet d'imaginer son prolongement en kimono, si celui-ci en portait un. Au lieu de ce vêtement traditionnel, il porte la blouse beige du régisseur qui allume les lumières et éteint la servante, balaie la scène au parfum de poussière. Il parle avec un Français hésitant, ce qui rend sa diction encore plus fragile. C'est un personnage touchant et sensible, à la différence de la danseuse, sûre de son art et de sa jeunesse, qui s'installe sur le plateau conquérante.

, danseuse de formation classique, maîtrise tous les styles chorégraphiques dont elle use dans le spectacle, de la danse traditionnelle japonaise rambyoshi aux danses actuelles. Cet éclectisme est le point faible du spectacle, car il brouille un peu les pistes. Entre le spectacle traditionnel japonais que répète le personnage de la danseuse et les improvisations contemporaines de la chorégraphe, nous n'avons pas l'impression d'un fil conducteur stylistique et l'écriture chorégraphique manque parfois de créativité ou de rigueur.

Cette faiblesse importe peu, tant on est emporté par l'authenticité du vieil acteur qui empoigne la scène avec vigueur, arborant un sourire serein. Face à lui, la jeune danseuse délaisse peu à peu ses certitudes pour se laisser attendrir par le vieil homme et permet à l'émotion de surgir, au son distant d'un radio-cassette. Tout au long du spectacle, cette délicate rencontre est mise en valeur par les instruments de Makoto Yabuki, instruments traditionnels comme les flûtes en bambou du théâtre Nô, mais aussi la flûte d'Amérique du Sud, les tambours japonais ou le xylophone en bambou.

Crédits photographiques : © Christophe Raynaud de Lage

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