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Armand-Louis Couperin : encore un fort beau disque de Christophe Rousset au clavecin

Il serait inexact de parler de résurrection, ou de sortie de l'oubli, puisque plusieurs clavecinistes réputés ont touché aux œuvres d', à commencer par Gustav Leonhardt lui-même, mais aussi Jean-Patrice Brosse et d'autres encore. Cependant, il est bon qu'un claveciniste aussi brillant et spirituel que s'attache à ce corpus et lui rende tout l'éclat qu'il mérite.

Armand-Louis était le fils de Nicolas, un cousin germain de « le Grand ». Il n'est pas certain que François (1668-1733) ait pu influencer Armand-Louis (1727-1789). Mais il est attesté que le poste d'organiste de François, à Saint-Gervais, lui est revenu par le biais de Nicolas, et qu'il a été dépositaire des œuvres de son célèbre cousin. Organiste reconnu, il était aussi célèbre pour ses œuvres de clavecin, allant jusqu'à plaire à Melle Victoire de France, fille de Louis XV et dédicataire de son livre Pièces de clavecin de 1751. Son écriture est dans le bon goût à la française qui prévalait alors : grâce, légèreté, contrastes de rythme et de couleurs, expressivité fine. ne démérite pas face à ses contemporains, comme l'imaginatif Pancrace Royer ou le poétique Jacques Duphly, mais comme l'écrit avec une étonnante justesse Charles Burney en 1770, « son style n'est pas si moderne qu'il pourrait l'être ». Mais ne reprochons pas à A-L. Couperin de ne pas être Rameau…

Les pièces proposées contiennent des danses, Gavottes, Menuets, Allemande, Courante, comme des reliquats des suites à la française d'autrefois, mais fort bien troussés. On peut encore y rajouter un Rondeau grâcieux qui porte très bien son nom. S'y trouvent aussi des pièces en portraits, bien dans le goût du moment, qui décrivaient les traits de caractère ou les grâces de la personne nommée. La Sémillante ou la Joly est en effet fort bavarde, mais l'est toujours avec esprit. La Victoire, en l'honneur de la fille de Louis XV, est une pièce évidemment pleine de majesté, de vivacité et de grandeur combinées. Mais les morceaux les plus intéressants sont sans doute les pièces exprimant des sentiments, comme L'Intrépide, ou L'Enjouée. Les Tendres Sentimens sont une merveille de délicatesse. L'Affligée, la plus originale avec ses longues syncopes pleines de tristesse méditative, évoque même la mélancolie de Froberger. Enfin, Les Quatre Nations font immanquablement penser à l'intention syncrétiste de François le Grand dans « les Gouts Réunis », mais Armand-Louis réussit mieux que son cousin à caractériser les particularités de l'écriture à l'Italienne, l'Angloise, etc…

Pour rendre à ces morceaux toute leur vigueur et toutes leurs couleurs, il fallait , avec son exactitude et son style irréprochable, avec son sens de la respiration et du contraste. Il fallait aussi un instrument aux timbres bien ronds et argentés, qui rende à cette musique et son aspect intimiste et son caractère brillant. C'est chose faite avec ce splendide Jean-Claude Goujon (Paris) de la première moitié du XVIIIe, ravalé et  »étendu » par Jacques Joachim Swanen en 1784, conservé au Musée de la Musique à Paris, et bien connu de Christophe Rousset. Ce disque rend pleinement justice à  : sans aller jusqu'à parler de génie, c'est un grand talent qu'il faut reconnaître.

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