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Trois partitions de Weinberg interprétées avec émotion

La musique de est de plus en plus souvent enregistrée au disque. Cette nouvelle parution d'un petit label polonais anagram, met à notre disposition trois œuvres du compositeur, excellemment interprétées par , et le .

Le Quintette pour piano et quatuor à cordes op. 18 est la plus ancienne de ces partitions, écrite entre août et octobre 1944. Sa création par Emil Gilels et les membres de l'orchestre du Théâtre Bolchoï, eut lieu le 18 mars 1945. Par la suite en 1947, Weinberg composa la Sonate pour violon et piano n° 4 op. 39, dédiée à Leonid Kogan. Bien qu'elle soit conçue en trois mouvements, Weinberg brise la forme de la sonate classique, proposant une sorte de fantaisie, voire de rhapsodie, dont les premier et troisième mouvements se déroulent dans un tempo lent avec ses ambiances moroses, tandis que le mouvement médian, un Allegro ma non troppo – Adagio tenuto molto rubato, est ponctué de rythmes vifs exprimant une forte inquiétude. Enfin, en 1949, Weinberg élabora la Rhapsodie sur des thèmes moldaves op. 47, influencée sans doute par ses propres racines. En effet, son grand-père maternel était originaire de Bessarabie, partie orientale de la Moldavie historique. Cette œuvre existe en deux versions : pour orchestre symphonique, créée en 1950, et pour violon et piano, jouée pour la première fois le 6 février 1953 par David Oïstrakh et Weinberg lui-même au piano. Après ce concert, celui-ci fut arrêté par le NKVD pour « nationalisme bourgeois juif », puis libéré en avril suite à l'intervention de son ami Dimitri Chostakovitch. Staline était mort entre temps.

Pour l'exécution de ces pages, nous sommes sous le charme de la musicalité des interprètes. Dans les adagios de la Sonate pour violon et piano n° 4 op. 39, subjugue par une expressivité plaintive, soulignant le caractère douloureux de l'œuvre. Sous son archet, les phrasés résonnent comme une prière, alors que dans le mouvement central, ils s'accompagnent d'étincelles jaillissant d'un jeu énergique, rythmé et engagé. Ensuite, dans la Rhapsodie sur des thèmes moldaves op. 47, Kowalski séduit par la subtilité du ton, la poésie, mais aussi par la virtuosité et la vivacité. Les coups d'archet sont tantôt légers, tantôt profonds, ne perdant jamais leur force suggestive. À côté du violoniste, s'adapte parfaitement à ce propos, prenant soin de la netteté de l'articulation, de la pureté du toucher comme d'une conduite du tempo assurant autant de naturel que de cohérence à cette prestation. Celle-ci ne souffre donc ni de ralentissements injustifiés, ni d'accélérations osées, révélant pourtant une bonne dose de fraîcheur et de spontanéité. Il en va de même pour le Quintette pour piano et quatuor à cordes op. 18 dont l'interprétation combine une grande variété de climats – pour la plupart sombres – l'intimité du discours, de la ferveur et une rare intensité. Celle-ci est due, particulièrement, à l'engagement du , impressionnant par ses couleurs impénétrables, aussi sinistres que scintillantes. Toujours en harmonie avec la pianiste, les musiciens livrent une lecture romantique, vibrante de passion et fortement contrastée, harmonieuse et logique dans son parcours.

Par l'homogénéité de ces interprétations comme par leur romantisme palpitant, voici le plus bel enregistrement numérique que nous connaissons de la musique de chambre de . Espérons que les artistes ne s'arrêteront pas à ces trois partitions et continueront leur aventure avec l'œuvre d'un compositeur que nous sommes toujours en train de découvrir.

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