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L’ivresse de la pulse avec l’ensemble Links

Music for 18 Musicians de n'est pas une œuvre toute récente (1974-76) mais c'est certainement la plus sophistiquée et la plus complexe des pièces instrumentales du minimaliste américain. La captation de l' emmené par son chef en magnifie l'ingénierie, entre rigueur et jubilation du son. 

privilégie la percussion sèche, xylophones et marimbas doublés par les pianos plus résonnants, pour assurer la pulsation durant les cinquante-cinq minutes de l'œuvre. Elle est solaire et énergétique sous le geste des Links. Le compositeur confère une dimension harmonique inédite à sa pièce avec les onze accords qui s'enchaînent dans une première séquence, sorte de « Gestalt » qu'il va étirer sur onze sections (un accord par section) avant la réexposition du matériau initial. Importante également est la présence des quatre chanteuses munies d'un micro, deux à cour et deux à jardin. Placées derrière les deux clarinettes et les deux cordes frottées (violon et violoncelle), elles tissent avec elles leurs nappes soyeuses au sein de l'ensemble percutant. Dans les première et dernière sections, instruments mélodiques et voix jouent et chantent les accords sur des notes pulsées en intégrant le rythme de la respiration, flux et reflux des sonorités glissant sur les stries régulières des percussions.

Le déroulement formel est sans faille et bien perçu par l'auditeur, Reich usant d'un timbre-signal, celui du métallophone (ou vibraphone sans moteur) sonnant sous les baguettes de , pour indiquer au terme de chaque section le changement d'accord et le début d'une nouvelle séquence. Délaissant les procédés rythmiques de déphasage dont il est familier, le compositeur états-unien joue sur l'effet de déformation mélodique engendrée par les changements de rythme harmonique, tandis que l'hybridation des timbres (voix et cordes, voix et clarinette) concourt à l'ambiguïté des sources, voire à l'émergence de timbres résultants. L'introduction des maracas dans la section six et l'intervention lumineuse du vibraphone soliste font monter d'un cran le niveau des décibels au détriment de la couleur des voix, un rien absorbée par celles des percussions que l'enregistrement met ici en avant. On est loin de la transparence et de l'équilibre sonore recherchés par les solistes de l'Intercontemporain. C'est la ferveur du son et la jubilation des couleurs qui nous transportent dans l'interprétation euphorisante des Links dont le geste percutant et la synergie de groupe s'exercent jusqu'à l'ivresse.

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