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L’Art splendide d’Edouard van Beinum en ordre dispersé

Ce coffret sans livret réunit des bandes d'origines fort diverses. Des absences sont contestables tout comme des erreurs de dates et une présentation pour le moins chiche des enregistrements. L'ensemble compose toutefois une somme impressionnante que les mélomanes qui ne disposent pas des parutions antérieures sauront apprécier.

Disparu en 1959, laissa une place importante dans l'histoire du Concertgebouw d'Amsterdam. Chef assistant de Willem Mengelberg – celui-ci fut en poste cinquante ans durant – van Beinum permit à son successeur, Bernard Haitink, de poursuivre la modernisation de la phalange. Deux époques radicalement différentes, deux univers sans commune mesure entre Mengelberg et Haitink. Entre ces deux génies de la direction, Van Beinum fut le garant de l'excellence artistique de l'orchestre. Un seul disque le prouverait : la répétition de la Symphonie n° 40 de Mozart en 1956, au cours de laquelle, les musiciens du Concertgebouw sont galvanisés par la voix impérieuse du chef qui obtient une densité rythmique, une légèreté et un galbe d'une franchise et d'une noblesse étourdissantes.

Cette version fit partie de la série des coffrets que publia l'orchestre sous label Q. Disc. Une manne pour les aficionados car ce volume puisait dans les sources de la radio hollandaise, offrant ainsi des concerts exceptionnels. S'ajoutèrent les témoignages en studio de Decca (Decca Recordings 1948-1953 puis Decca Eloquence pour les symphonies de Bruckner) ainsi qu'un volume de gravures pour Philips (1954-1958), captées dans la salle du Concertgebouw. Van Beinum fut aussi à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Londres lorsqu'il dût remplacer Albert Coates. Il en devint le premier chef sans quitter le Concertgebouw. Plusieurs CD ont été édités par le label de l'Orchestre, LPO Live, sans oublier quelques enregistrements avec le Philharmonia (BBC Music). La Symphonie n° 6 de Mahler – seul témoignage du chef dans cette œuvre parut chez Tahra. On n'oubliera pas non plus les excellents repiquages du luxueux label Andante, depuis longtemps disparu. Enfin, quelques pièces dont un remarquable Don Juan de Strauss, une Symphonie n° 2 de Brahms et une Symphonie n° 6 de Schubert avaient été habilement choisies pour la collection « Great Conductors of the 20th Century » de EMI.

Scribendum a donc pioché dans tous ces labels afin de constituer son « The Art of », un coffret qui fait abstraction du répertoire concertant gravé par le chef ainsi que diverses œuvres de compositeurs hollandais, ce qui est dommage. On aurait apprécié que soit également repris le DVD consacré à l'Héroïque de Beethoven, filmée en noir et blanc en 1957. Les gravures originellement Decca (1948-1953) sont d'une qualité exceptionnelle et, ici, correctement reprises. La matière sonore, le grain de l'orchestre si particulier est restitué avec présence et subtilité. Les Créatures de Prométhée de Beethoven, par exemple, la Symphonie n° 1 de Brahms d'une magnifique souplesse, la Symphonie Fantastique de Berlioz imaginative et « moderne » à la fois, le superbe Concerto pour orchestre de Bartók, si racé, tout cela réjouit. Tout aussi admirables, la Symphonie n° 35 de Mozart ainsi que la Symphonie Tragique de Schubert : l'alliage de la frénésie et de la profondeur ! Chez Philips, pour les témoignages postérieurs à 1953, la comparaison avec Mengelberg est édifiante. Les répertoires communs entre les deux chefs témoigne d'une révolution “de velours” par van Beinum : le son, le phrasé, l'approche simplement esthétique des œuvres font entrer l'orchestre dans une ère nouvelle. L'écoute des classiques (Bach et Haendel) est ici frappante. La direction de van Beinum cultivait dès les années quarante cette rigueur stylistique, prélude au renouveau de l'interprétation baroque et classique. La version des symphonies de Brahms approfondit une lecture à la fois souple et précise qui sacrifie une part du souvenir charismatique de Mengelberg. La vivacité des cordes, la poésie des bois, la finesse des contrastes, le refus de toute théâtralité étonnent. Le legs consacré à Debussy dont certaines bandes sont en stéréo, témoigne de la passion des musiciens hollandais pour la musique française. La transparence de la direction de van Beinum y est magnifiée ainsi que dans le Sacre du printemps, d'une finesse impressionnante. Il est vraiment dommage que les versions « en doublon « ne soient pas mieux mises en valeur (Symphonie n° 2 de Beethoven, Symphonie n° 8 de Bruckner, Psyché de Franck, Symphonie n° 1 de Brahms) etc… À chacun de trouver « ses perles » dans ce coffret fourre-tout !

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