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Quand Verdi, Beethoven, John Lennon et autres prennent la plume

Deux petits ouvrages de correspondances tour à tour émouvantes, insolites ou amusantes paraissent simultanément, qui rappellent opportunément que l'art épistolaire produit de petits bijoux. Verdi est le trait d'union entre ces deux publications.

La palme de l'originalité de la forme revient au Verdi, c'est si beau de rire sous-titré Lettres d'un génie compris qui est proposé avec un emballage qui permet de le poster soi-même pour l'offrir à un ami. Le titre léger et son sous-titre malicieux peuvent donnent à penser qu'il s'agit d'une anthologie de bons mots du compositeur. En vérité c'est bien plus que cela, car, en une grosse cinquantaine de pages, la sélection de courriers donne à voir la vie du compositeur, depuis le jeune ambitieux qui sait qu'il ne pourra se réaliser dans son minuscule bourg de Busseto jusqu'au député qu'il deviendra malgré lui, devenu une icône de l'unité italienne. Apparaît l'artiste ombrageux qui défend l'intégrité de ses œuvres, le voyageur que l'on fête à Cologne et à Londres, l'homme aimant, qui défend son droit à vivre de manière libre. De sa relation avec sa compagne la soprano Giuseppina Strepponi, il a cette formule saisissante pour un homme de 1852 : « Quels droits ai-je sur Elle, et Elle sur moi ? ». L'ouvrage se poursuit sur des correspondances truculentes avec son ami librettiste Francesco Maria Piave. Une correspondance à la hauteur du personnage.

On retrouve Verdi dans Au bonheur des lettres, anthologie de courriers du XIXᵉ siècle à nos jours, dans un échange hilarant avec son éditeur Ricordi à propos d'un mélomane présomptueux – pour tout dire un imbécile – qui entendit se faire rembourser par le Maestro sa place pour Aida et les frais de sa soirée. Verdi accéda à sa demande moyennant un engagement formel à ne plus retourner voir un seul de ses opéras. Mais il se vengea de l'importun en publiant sa lettre de plainte dans plusieurs journaux. Cette anthologie de 28 courriers, dont 10 sur la musique classique (Beethoven à une enfant, Tchaïkovski à sa mécène, Baudelaire à Wagner, par exemple), a un prisme anglo-saxon prononcé, son auteur étant anglais et logiquement marqué par la double influence du classique et du jazz/pop/rock. La sélection n'en est pas moins construite avec beaucoup de pertinence, et n'oublie pas de laisser la place aux oubliés que la Musique a pu malgré elle oublier. Il y a ainsi ces émouvantes lettres de Helen Keller, enfant sourde, aveugle et muette devenue écrivaine et conférencière (!) à succès, qui écrit en 1924 au New York Symphony Orchestra comment elle a pu « entendre » leur Symphonie n° 9 de Beethoven à la radio par les vibrations, ou celle de la compositrice à Serge Koussevitzky qui lui demande d'examiner ses partitions sans préjugé sur le fait qu'elle a deux « handicaps »: « Je suis une femme ; et j'ai du sang noir dans les veines ». Il ne lui répondra pas. John Lennon, Keith Richards, Charles Mingus, le Président des États-Unis Harry Truman, on trouve des figures célèbres comme des parfaits anonymes, et chaque missive est précédée d'une pertinente introduction. Une lecture divertissante qui communique également un vrai message sur notre humanité.

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