- ResMusica - https://www.resmusica.com -

À la découverte de Gregor Joseph Werner

Prédécesseur de Haydn au palais Esterházy, était surtout compositeur de musique religieuse. Consacré à la parabole du Bon Pasteur, l'oratorio Der Gute Hirt atteste toutes les qualités d'un musicien de talent.

Le nom de Werner est surtout resté dans l'histoire de la musique pour avoir été jusqu'en 1766 le prédécesseur de au poste de maître de chapelle de la cour d'Eisenstadt. Engagé au service des princes Esterházy en 1761, Haydn a donc été pendant près de cinq ans l'assistant de Werner, compositeur que le jeune musicien respectait suffisamment – malgré des relations professionnelles tendues – pour avoir possédé la partition de nombreuses œuvres et pour l'avoir cité à plusieurs reprises dans ses quatuors à cordes.

L'ouvrage Der Gute Hirt n'est qu'un échantillon de la bonne quinzaine d'oratorios que Werner composa pour la cour d'Eisenstadt entre 1729 et 1760, dans le but à chaque fois de célébrer dignement le Vendredi Saint. Parfois considéré pour cette raison comme un oratorio « al sepolcro », c'est-à-dire consacré à la Passion du Christ, l'ouvrage met en fait en scène la parabole du Bon Pasteur chargé de ramener au bercail la brebis égarée. De par cette thématique christique, l'ouvrage se rapproche donc davantage de l'oratorio dit allégorique, lequel repose sur la présence d'un certain nombre de typologies bien reconnaissables ainsi que leur rapport à la chrétienté. Ici, le personnage de la Brebis égarée évoquerait plutôt celui du « Plaisir » que l'on trouve dans autres ouvrages de ce type, le Pèlerin et le Bon Pasteur incarnant quant à eux les personnages sages et vertueux chargés de faire entendre raison à ceux qui préfèrent profiter des joies terrestres. Dans son sujet et dans sa forme, encore très dépendant de l'existence de l'aria da capo, l'ouvrage de Werner appartient donc à une tradition solidement ancrée dans l'Europe post-baroque de la première moitié du XVIIIᵉ siècle. L'ouvrage n'en contient pas moins une musique tout à fait délicieuse, même si l'on pourra trouver un peu longuets les récitatifs qui séparent les onze morceaux de musique : une introduction orchestrale, sept airs confiés à quatre personnages, un duo et deux chœurs. On regrettera au passage l'absence de traduction en anglais ou en français du texte chanté, l'auditeur non familier de l'allemand n'ayant que le choix du hongrois pour espérer suivre l'action… L'ouvrage n'est pas sans réserver quelques surprises musicales, comme par exemple l'irruption d'une courte ariette de style napolitain au sein d'un long récitatif. On se délectera également de certains choix d'instrumentation, notamment les parties obligées de chalumeau et de trombone comme accompagnement de certains airs.

Très motivés par une entreprise qui redonne toutes ses chances au riche patrimoine musical austro-hongrois conservé à Budapest à la Bibliothèque nationale Széchényi, les musiciens du et de l' sont évidemment des interprètes idéaux pour un tel ouvrage. Leur chef , bien connu pour ses incursions bienvenues dans le répertoire français, sait trouver toute la grâce qui convient à des pages qui, dans de mauvaises mains, pourraient vite paraître banales. Les solistes rendent tous impeccablement justice à leur rôle, même si le contreténor et la basse sont un peu courts de grave. On appréciera tout particulièrement le joli timbre du ténor , chanteur qui semble prédisposé aux emplois mozartiens que la musique de Werner, d'une certaine manière, permet déjà d'entrevoir.

(Visited 562 times, 1 visits today)