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Les secrets du piano d’Albert Ferber

Eloquence publie un disque dévolu aux enregistrements Decca d', dont plusieurs étaient jusqualors inédits.

Né en 1911 à Lucerne, est un pianiste, professeur de piano et compositeur suisse. Ayant étudié auprès de Karl Leimer, Walter Gieseking et Marguerite Long, il mène une carrière durant laquelle il est surtout actif en tant que soliste donnant des récitals. Son répertoire comprend, en plus des pages classiques de Bach, Beethoven, Brahms, Chopin, Rachmaninov et Schubert, des œuvres contemporaines, notamment les sonates pour piano d'Ernest Bloch, Frank Bridge et Robert Simpson.

Entre 1945 et 1951, enregistre pour Decca Records. Dans ses interprétations, il met en valeur la beauté mélodique et la face intime des œuvres, séduisant par le raffinement des timbres et l'élégance des phrasés. Par sa musicalité innée comme par le soin apporté aux nuances dynamiques, son jeu ne perd jamais son côté « naturel ». Ses exécutions, aussi discrètes soient-elles, font par moments penser à de l'improvisation, notamment dans la Fantaisie en ut majeur Hob.XVII:4 de Haydn, le Menuet K. 355 et la Gigue K. 574 de Mozart, ainsi que dans l'Impromptu en fa mineur op. 142 n° 1 de Schubert. S'il exprime la joie dans la première de ces compositions, il plonge l'auditeur dans une ambiance d'inquiétude et de tristesse dans la dernière, où un dialogue serein entre la main droite et la main gauche se détache, telle une lueur d'espoir, sur un fond obscur d'accents évoquant la douleur d'un amant abandonné. Dans la Sonate pour piano en la majeur D. 664 du même auteur, Ferber favorise la clarté de la forme et la précision, distillant une palette de couleurs cristallines et délicates dans les aigus. De même pour la Sonate pour piano n° 26 « Les Adieux » de Beethoven, où il fait preuve d'un jeu à la fois poétique et engagé, éloquent et rhétorique, distinctement perlé dans le mouvement final.

Pour les six Romances sans paroles de Mendelssohn, Albert Ferber propose des lectures toutes en simplicité et en subtilité, mais également en profondeur, suggestives par rapport à leurs titres. Ainsi, les Doux souvenirs sont empreints de nostalgie, la Marche funèbre se distingue par sa gravité et la netteté du rythme, tandis que La Fileuse évoque – grâce à une articulation limpide et une pulsation clairement marquée – un fuseau entre les mains d'une jeune fille.

Concernant les Scènes d'enfants de Schumann, Albert Ferber convainc par la cohérence et le côté éthéré de sa prestation, focalisant l'attention sur la dimension horizontale de l'œuvre. Il semble déclamer, et brosse un paysage sonore fin et paisible, par instants sec, quoique non dépourvu de petites tensions, comme dans Un évènement important, où son toucher s'avère brusque dans les forte. Est-ce dû à la prise de son ? Le tempo extrêmement lent de certains mouvements, comme Le Poète parle, renforce le caractère contemplatif de cette lecture, pour laquelle la séduction ne repose pas sur le brio, qui est là aussi, mais plutôt sur la finesse du ton et sur les silences perceptibles au travers d'une respiration intelligemment contrôlée.

Avec les transferts et le travail de restauration assurés par , ce disque intéressera tous les amoureux de la vieille école du piano. Une occasion à ne pas rater pour se couper de l'agitation du monde d'aujourd'hui.

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