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Fleur Barron et Julius Drake interprètent Winterreise à Londres

Premier concert organisé par Chamber Music Northwest depuis la quarantaine, le Winterreise filmé à Londres permet de réentendre dans le chef-d'œuvre de Schubert, cette fois pour accompagner la jeune mezzo-soprano .

L'organisme Chamber Music Northwest est quasiment inconnu en France, puisqu'il officie principalement aux États-Unis dans les états de l'Oregon et de Washington. Pourtant, il profite de la crise sanitaire pour mettre en ligne sur son site des concerts live depuis le mois de février, à commencer par un Winterreise enregistré au Razumovsky Academy Recital Hall de Londres.

Dans un court échange filmé avant le concert, cite comme l'un des interprètes les plus iconiques du cycle schubertien. Cette idée nous avait déjà traversé l'esprit, tant lors de son accompagnement d'Alice Coote enregistré au Wigmore Hall en 2013 qu'avec Gerald Finley pour Hyperion ensuite. Embarrassé, remercie modestement, mais de Gute Nacht au Leiermann, c'est bien une impression d'évidence qui se dégage de son jeu, toujours mesuré et toujours adapté à la voix. Pour exemple, au dernier lied, sa façon de ne pas trop appuyer sur la pédale permet de ne pas surdévelopper le pathos, tandis que ne traite cet élément qu'avec parcimonie, sans chercher non plus à le décupler, à l'instar d'un Matthias Goerne ou d'autres barytons référents pour le cycle. Bien plus dans le rôle de diseuse que dans celui de chercheuse d'émotions faciles, malgré un visage très expressif, la mezzo-soprano s'attelle à porter les textes du poète allemand Wilhelm Müller par une diction extrêmement précise, dont ressort toutefois un joli accent anglais.

Plus encore que Coote, et plutôt dans la continuité d'une Brigitte Fassbaender, Fleur Barron emporte le cycle transposé dans le grave avec une voix tout juste légèrement poitrinée à l'occasion, dont elle maîtrise l'équilibre sans jamais trop en pousser le souffle en fin de phrase. Un excès d'affectation de temps à autre montre un travail encore récent sur le cycle, qu'elle chante pour l'une des premières fois. Elle gagnera assurément en maturité avec le temps. Passées ces deux remarques, Fleur Barron se glisse dans le Voyage d'Hiver avec une splendide expressivité. Sans partition, contrairement au pianiste qui préfère la maintenir devant lui, elle développe les vingt-quatre lieder en portant le texte par ses nuances musicales, de la bienfaisance du tilleul (Der Lindenbaum) à plus de profondeur dans l'inondation (Wasserflut) ou la solitude (Einsamkeit).

Cette excellente interprétation rappelle que si le cycle est depuis plus d'un siècle majoritairement porté par les barytons, il a été écrit sur une clé de ténor et peut tout autant être développé par des sopranos ou mezzo-sopranos de la qualité de Fleur Barron.

Crédits photograhiques : portrait © Angela Barron, photo concert © CMNW

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