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Les lieder inédits de Hans Gál : un vrai trésor

Même ceux qui aimaient déjà ne pouvaient connaître ces lieder-là, puisqu'ils ont été exhumés très récemment des archives familiales. Ces œuvres d'un homme jeune et doué sont marquées par une sensibilité et une poésie remarquables, et interprétées de manière superlative par le duo et

Encore peu connu des mélomanes français, l'est un peu plus en Grande-Bretagne, et notamment en Écosse, puisque c'est là qu'il a passé la seconde moitié de sa vie. Né Hongrois, il a dû fuir l'Allemagne en 1933, puis l'Autriche en 1938, vers l'Angleterre. Après un bref emprisonnement, il fit souche en Écosse, où il a produit l'essentiel de son œuvre et de son enseignement. La célèbre collection Decca « Entartete Musik », ou musique dégénérée, avait dans les années 90 contribué à rendre hommage aux compositeurs dénigrés et persécutés par les nazis. À côté de Křenek, Korngold et Zemlinsky, on pouvait trouver des compositeurs moins connus comme Strasfogel, Schulhoff ou Eisler, mais pas . Il aura fallu l'obstination de quelques artistes et le dynamisme d'une Société Hans Gál à Édimbourg pour faire publier quelques disques, concertos, symphonies, musique pour piano, alto ou violoncelle, ainsi qu'un disque de musique vocale récemment distingué par nos collègues de Diapason. En espérant voir arriver bientôt ses opéras (déjà, Das Lied der Nacht de 1924 est disponible), voici apparaitre un disque entièrement consacré à ses lieder. L'opus 33 « Five songs » était déjà publié du vivant du compositeur, mais ce n'est que trente ans après son décès que sa fille Eva Gál a bien voulu ouvrir sa bibliothèque à Helmut Deutsch, et se laisser convaincre de publier à leur tour les vingt-six lieder que voici, inédits, mis de côté mais non pas détruits (comme d'autres) par le compositeur.

Il s'agit d'un ensemble de lieder écrits entre 1910 et 1921, sur des poésies d'auteurs aussi variés que Hermann Hesse, Heinrich Heine, Walther von der Vogelweide, Rabindranath Tagore, etc. Ce n'est pas un cycle ni un ensemble conçu en entier. Chaque lied est indépendant des autres, sauf les trois « Nachts in der Kajüte » de Heine. Même les « Five songs » déjà réunis en un opus 33 ne présentent pas d'unité de groupe. C'est donc individuellement qu'il faut en déguster la saveur et le caractère, même si certains résonnent fort bien dans le voisinage des suivants. Éloignée de tout sérialisme, il faut sans doute caractériser l'écriture de Hans Gál du qualificatif de post-romantique, mais ce qui lui convient le mieux, ce sont des adjectifs de simplicité, et de sérénité. Il y a dans ces vignettes un lyrisme humble et recueilli réellement émouvant, qui fait éclore le contenu de chaque texte, avec une authenticité et une pudeur délicieuses. Tout est profond et délicat : la nostalgie de « Maimond, l'espoir de « Morgengebet », l'absence de « Nachtstürme » et de « Blumenlied » et jusqu'à la dérision de « Eine gantz neu Schelmweys ».

Pour valoriser les diamants et les pépites de cette riche cassette, les joailliers et sont parfaits. Le premier en prête le velours sombre de sa belle voix de baryton, sa diction admirable et un sens parfaitement mesuré des nuances et du legato. Le second développe un lyrisme discret mais virtuose digne d'un Michael Raucheisen. Mais leur principale vertu, c'est leur complicité parfaite, qui permet de donner tout au long du concert une lecture transparente – voire lumineuse – de chaque Lied, et d'en laisser émerger toute la poésie intrinsèque.

Un disque en tout point admirable, et un apport conséquent à une meilleure connaissance de Hans Gál, qui apparait comme un compositeur aussi intéressant que ses contemporains Othmar Schoeck et Paul Hindemith.

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