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La subtilité éthérée de l’orgue de la basilique d’Olkusz avec Julian Gembalski

à l'orgue de la basilique mineure Saint-André d'Olkusz, nous fait savourer la majesté et la subtilité de ce précieux instrument historique récemment rénové, accordé au tempérament mésotonique, avec un diapason au La d'environ 480 Hz.

En 2015, après la découverte d'une corrosion rapidement évolutive des tuyaux métalliques de l'orgue construit par Hans Hummel et son élève Jerzy Nitrowski dans les années 1611-1633 dans la basilique mineure Saint-André à Olkusz, la décision a été prise d'effectuer immédiatement des travaux de conservation, menés sans interruption jusqu'en septembre 2018 dans la ville néerlandaise de Zaandam, par l'entreprise Flentrop Orgelbouw. Grâce à elle, l'instrument a pu retrouver son éclat d'antan. Il possède 1820 tuyaux, deux manuels (le premier pour la section principale, le second – positif – placé devant le buffet d'orgue) et une pédale.

Né en 1950, est interprète, compositeur et professeur enseignant à l'Académie de musique Karol Szymanowski de Katowice, considéré comme l'un des meilleurs virtuoses et mentors les plus accomplis de l'orgue en Pologne. Les œuvres choisies pour ce disque datent de la croisée de la Renaissance et du baroque, ce qui convient à l'âge de cet instrument. C'est la période d'un développement intensif de la musique, notamment de celle pour clavier, où de nouvelles formes et des genres apparaissent, et où la technique du jeu prend forme. Même si la Pologne ne compte pas parmi les centres musicaux majeurs du Vieux Continent, les partitions et les documents d'archives qui ont survécu laissent entrevoir un niveau élevé d'activités d'exécution et de composition. Le début du processus peut être observé au XVIe siècle, en particulier avec la publication de tablatures d'orgue de la Renaissance, comme celle de Cracovie (la distance qui sépare l'ancienne capitale polonaise et la ville d'Olkusz, est de 40 kilomètres seulement), qui remonte à 1548. Son original a été perdu pendant la Seconde Guerre mondiale, mais heureusement un microfilm, réalisé plus tôt, a été conservé. Il comprenait en grande mesure des pages liturgiques anonymes et une source importante d'œuvres de , l'un des premiers compositeurs polonais connus.

Les sept premières plages de ce disque sont issues de ladite Tablature d'orgue de Cracovie. Notre attention se porte sur l'exécution de l'Alia poznanie de , où le rythme est accentué par un soi-disant « tympan » (de l'italien « timpano », un effet spécial utilisé dans la construction des orgues polonais : deux tuyaux au son grave à l'accord légèrement différent imitent le trémolo des timbales, pour célébrer les moments solennels de la liturgie, en particulier l'élévation) distillant des sonorités graves, faisant penser à des musiques à danser. Gembalski combine rigueur rythmique et fluidité des phrasés, mettant en valeur la qualité de la mélodie portée par une voix flûtée. Dans la lecture du Salve Regina du même auteur, il subjugue autant par la maîtrise que la musicalité, par l'immensité et la beauté des timbres, sans jamais déplaire par un jeu trop lourd. Pour l'interprétation de la Crux fidelis, une partition signée par un certain « N.Z. » (probablement toujours ), dont le thème est basé sur le début de l'ancien hymne grégorien pour la liturgie du Vendredi saint Crux fidelis inter omnes, Gembalski fait preuve d'un maniement raffiné de l'instrument en faveur de diminutions aussi poétiques que discrètes, en aucun cas démonstratives, développées dans un mouvement relativement lent, permettant ainsi de célébrer le glorieux combat et le triomphe du Rédempteur crucifié au Calvaire. Pour l'exécution de la Fuga, Gembalski impressionne par la clarté des textures, le brio et la noblesse, soulignant la grandeur de cette page anonyme qui constitue la mise en tablature d'un morceau vocal profane.

Le programme de ce récital est enrichi par un florilège d'hymnes, dont deux versions d'Ave Maris Stella, par et , écrites à environ cent ans d'intervalle. La première d'entre elles représente, trois fois plus courte que l'autre sous les doigts de Gembalski, un exemple de musique intimiste avec une mélodie bien prononcée de la voix solo, favorisant sérénité et contemplation. La seconde, en revanche, s'avère être une œuvre plus majestueuse et plus élaborée en contrepoint que la précédente, prenant forme de plusieurs variations, différentes en termes de dynamique et de son, se terminant par une cadence quasi improvisée, teintée de panache et ponctuée par la souplesse du phrasé.

L'album se clôt sur les Toccatas de – le père du genre et de musique pour instruments à clavier – et de son élève, Michelangelo Rossi, séparées par la Canzona III in sol de ce premier. Les toccatas sont des pièces associant des harmonies modales et chromatiques, par moments dissonantes (Toccata prima du 2e livre des Toccatas de Frescobaldi), contrastées et riches en figurations déployées sur le fond d'une note de pédale, entrelacées de fragments basés sur l'imitation ou quasi improvisés, dont le caractère Gembalski accentue par l'ampleur de respiration et l'élégante, quoique modérée, élasticité du mouvement. Son discours est pur et techniquement irréprochable, plein de fraîcheur et d'une grande diversité de couleurs.

Voici un disque qui mérite notre attention, tant par un jeu expressivement fascinant que par la prise de son délicieusement définie en SACD surround 5.0 et par la présentation du livret.

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