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Le labyrinthe de David Greilsammer

Le pianiste et chef d'orchestre présente un nouvel enregistrement très personnel intitulé Labyrinth.

Il raconte avoir fait un rêve récurrent depuis ses quinze ans dans lequel il se retrouvait comme piégé au cœur d'un labyrinthe. Son envie de s'en défaire mais aussi de trouver des réponses l'a conduit à élaborer ce programme captivant. Le disque est divisé en sept chapitres musicaux ; deux pièces d'un même compositeur encadrent une troisième d'un autre auteur. Au centre de cette architecture symétrique se trouve El amor y la muerte, extrait du recueil Goyescas composé par Granados. Cette construction élaborée instaure un dialogue fluide entre chaque morceau, les fait converser dans un mouvement perpétuel qui avance, parfois s'interrompt ou recule. La notion d'époque et de style s'efface. Nous sommes invités à prendre part à ce voyage initiatique qui est de l'ordre de l'expérience sensorielle, nous plonge au cœur de quatre siècles de musique jusqu'à nous faire perdre nos repères. Le flamboyant Janáček et le mystique Scriabine ouvrent et clôturent ce programme, dont la dimension subjective permet à chacun de s'approprier à son propre rythme ces recoins, ces dédales obscurs et lumineux, et de s'y attarder ou non.

retrouve le répertoire baroque et contemporain qu'il affectionne et nous offre une incursion en terres romantiques. Une nouvelle facette apparaît ainsi dans son jeu mis à nu, qui va à l'essentiel. Le pianiste insuffle une fraîcheur proche de l'improvisation (Ligeti ; Beethoven) et trouve un bel équilibre dans les dynamiques. Dans l'Amour et la Mort, une passion viscérale l'habite. Des plages poignantes dont la gravité nous touche, parcourues par un souffle intérieur qui exprime des sentiments aussi exaltés qu'intimes. L'enchainement avec Satie et la Pièce Froide n° 2 amplifie la modernité de langage et vice versa. Cette sensation s'applique à chaque volet car au fil des pièces, le sentiment d'intemporalité ne cesse d'être décliné.

Percutant dans la première Bagatelle beethovénienne, le discours est le plus convaincant dans sa conduite expressive (Crumb et son étrange monde onirique), quand le pianiste libère une poésie d'une douceur suave (Armide ; le Labyrinthe de Marais) ou lorsque le propos devient obsessionnel (l'ostinato de Fanfares) et nous entraine vers des plages déjantées (Repetition Blindness de Pelz).

Ancré dans son époque, ce disque aussi audacieux que libre possède tous les atouts pour toucher un large public et mérite qu'on s'attarde le plus possible dans ce labyrinthe.

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